Je ne vais pas le cacher, d'autant plus que j'en suis très fière : je voue une admiration absolue aux œuvres de Michael Roch. Depuis longtemps je suis une fidèle de ses créations, je m'intéresse à ses explorations de toute forme de narration. Rien ne me touche plus que ses romans. De Moi, Peter Pan au Livre Jaune, j'ai déjà dit tout le bien que j'en pense, et à quel point cet écrivain à un talent dingue.
Je me suis donc précipitée sur le dernier-né : Tè Mawon, dont le titre même laissait présager la subtile exigence que ses écrits portent toujours.
Il est en effet évident, dès la lecture du titre, que ce roman est bien différent de la SF habituelle. Il en reprend pourtant un ressort assez classique. L'histoire se passe dans une mégalopole futuriste stratifiée, Lanvil, dans laquelle les défavorisés doivent se coltiner les profondeurs tandis que les bourgeois s'élèvent vers les sommets, jusqu'à ce qu'on cherche à renverser cet état de fait. La grande différence réside dans le fait que Lanvil s'élève sur les terres caribéennes, que ses habitants en sont les héritiers, et ça, les enfants, ça bouscule nos habitudes bien plus que ça ne le devrait !
Michael Roch réussit à faire de Tè Mawon l'un des livres les plus originaux qu'il soit, et dieu sait s'il nous avait pourtant déjà habitué à du haut niveau, en utilisant des procédés qu'il maîtrise tellement que c'en est prodigieux :
Le roman choral : Michael Roch alterne les points de vue et il le fait bien. Bien au-delà d'un jeu de ping-pong plat, c'est une véritable symphonie qu'il orchestre. Il nous présente des personnages aussi contrastés que convaincants, chacun réussissant à trouver une place de choix dans le patchwork que forme la trame de ce récit. Les interventions, une à une, finissent par former une fine marqueterie parfaitement ajustée, faisant sortir un univers de terre, faisant avancer une intrigue d'une efficacité indiscutable.
La maîtrise de la langue : c'est LE tour de force/coup de maître/trait de génie/morceau de bravoure/j'en passe et des plus superlatifs... du bouquin. Il donne corps à ses personnages par leur réappropriation de leur propre langage. Hybridant les dialectes, explorant les 1001 facettes du créole, dotant chacune des figures du récit de ses propres expressions. Ici le langage définit l'être, raconte sa vie, en dit plus sur lui que la plus longue des descriptions.
Lire un roman de Michael Roch, c'est exigeant. Le découvrir, l'apprécier à sa juste valeur, s'enrichir de sa lecture, cela demande une implication qui fait de toi un acteur à part entière de l'histoire.
Ici, il te faudra décortiquer, déchiffrer certains mots si tu t'obstines à vouloir tout comprendre, ou te laisser emporter par la formidable mélodie qui se dégage de certains passages. J'ai par exemple lu une partie du livre à haute voix. ça m'a aidé à comprendre, certes, et ça m'a permis surtout de profiter vraiment de toute la poésie qui se dégage de ces pages.
Au-delà d'un roman à l'intrigue palpitante et aux enjeux forts, c'est une nouvelle leçon que nous offre Michael Roch.
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