Certainement pas le meilleur Tom Clancy

En général, j'aime beaucoup les livres de Tom Clancy. Ils sont prévisibles en ce sens qu'on se doute de qui va triompher, mais l'auteur parvient quand même à instiller du suspens grâce à la manière de raconter son récit. Quand je me suis un peu renseigné sur ce livre trouvé dans une brocante, j'ai été impatient de le lire: les forces de l'OTAN et du Pacte de Varsovie qui passent à l'acte, sur fond de pénurie pétrolière. Le programme avait de quoi plaire, même si je doutais fort de voir une victoire écrasante des Soviétiques.

Au niveau du style de l'écriture, on est dans quelque chose de très classique chez l'auteur: les chapitres sont divisés en sections, chaque section suivant un personnage spécifique. C'est la même structure qu'on retrouve dans Octobre Rouge ou L'Ours et le Dragon, et elle a fait ses preuves. Sur ce point là, rien à y redire, ça fonctionne. Ou, plutôt, ça aurait pu fonctionner.

Je préfère prévenir: la section suivante contient quelques spoilers mineurs. Rien de majeur, bien entendu, mon but n'est pas de vous résumer les péripéties, mais juste de mettre l'accent sur un point qui m'a énervé au plus haut point pendant ma lecture.

Ce qui "tue" le livre, c'est la CHANCE. Je pense pouvoir affirmer que vu la chance des personnages américains dans ce livre, environ 80% de la population doit être cocue. Alors, certes, une guerre dépend souvent de la chance, de menus détails peuvent changer complètement le déroulement d'une opération, mais... Aussi souvent? C'est bien simple, sur la fin du livre, je me suis surpris à laisser échapper un "Et allez, encore une fois!" quand un énième coup de chance permet un succès des forces de l'OTAN.
C'est d'autant plus dommage que le livre s'ouvre sur les premiers succès soviétiques. Je m'attendais donc à un récit tendu, à un conflit équilibré, à un suspens insoutenable jusqu'à la toute fin... Et bah, pour le coup, j'ai été déçu. On sent que Tom Clancy est très bien renseigné sur le fonctionnement, le matériel et l'état général des troupes soviétiques (ou, du moins, aussi bien renseigné qu'on peut l'être en 1986), et qu'il se rend compte du déséquilibre flagrant existant entre les forces de l'OTAN en Europe et celles des Soviétiques, mais qu'il ne peut pas ou ne veut pas laisser les secondes triompher nettement des premières.

Cela se ressent aussi dans les descriptions de batailles. À force de lire des chiffres abracadabrants (sans rire, à deux exceptions près, les pertes soviétiques sont systématiquement dix ou quinze fois les pertes de l'OTAN), on finit tout simplement par ne plus y croire. On ne peut plus croire que la situation est aussi tendue que le disent les personnages alors que les militaires de l'Ouest infligent des pertes aussi importantes à leurs homologues d'en face.
C'est bien simple: malgré ce que pensent les personnages, à aucun moment on ne sent un américain ou un de leurs alliés être réellement menacés par les Rouges.

Et, au final, j'ai été assez déçu par la fin. De la même manière que la fin de Rainbow Six m'avait réellement désenchanté. Ce n'est pas quelque chose de nouveau: Tom Clancy a ce défaut de vouloir absolument faire gagner un camp, et ce envers et contre toutes les circonstances. Ce qui se traduit parfois par des coups de chance inespérés venant sauver la mise aux héros, ou l'apparition d'un gadget technologiques résolvant leurs problèmes au moment opportun.

Bon, je mets quand même 5/10 parce que l'idée de base était intéressante, et que quelques passages sont réellement bien montés. Le côté "docu-fiction" du livre est aussi bien rendu, avec le fourmillement de détails techniques qui contribue d'habitude à plonger le lecteur au coeur de l'action.
Mais le parti-pris de l'auteur et la comptabilité des batailles menées tue en grande partie cette crédibilité en même temps que le suspens.