L'enfant n'a pas de nom ou bien il porte celui de tous les enfants. La mère non plus n'a pas de nom parce qu'elle ne sait plus qui elle est. Elle n'est plus que la mère, celle qui se lève la nuit lorsqu'il pleure, celle qui berce, console, rassure, raconte, lave, range, nettoie, accompagne, revient, repart, écoute, surveille, nourrit, habille, promène, apprend, montre et recommence chaque jour. La même chose. Toutes les mères sont semblables. Sauf que celle-ci fait tout toute seule, parce que le père est parti. J'allais dire : est-ce que ça change grand-chose ? Non, j'exagère, les pères ont changé, paraît-il. Certains oui. Beaucoup non. Il est facile de le constater. Alors, la mère se met entre parenthèses, elle oublie qu'elle est une femme, qu'elle aime se promener, écouter de la musique, aller au cinéma, rencontrer des gens. Elle travaille (pour gagner de l'argent) pendant que l'enfant dort, ou bien la nuit… S'épuisant doucement... Quand elle consulte des forums parce qu'elle n'en peut plus, on lui rappelle gentiment qu'elle est mère et que l'enfant passe avant. La société lui fait la leçon, la morale. Elle est coupable d'être seule avec un enfant : elle n'a pas su retenir son mari et puis, dans le fond, elle l'a voulu, cet enfant, elle l'a eu, elle doit maintenant se débrouiller avec !
Parfois, le soir, elle accomplit une chose interdite, une chose folle, secrète, honteuse : quand l'enfant est couché, profondément endormi, elle sort, dans la rue, cinq minutes d'abord, puis dix, puis encore un peu plus pour échapper à l'espace clos et étouffant de l'appartement. Respirer. Souffler. Juste un peu.
L'envie d'aller plus loin l'appelle, la tente chaque jour davantage. Un temps à soi, un espace à soi… Juste un microgramme de liberté. Comme la petite chèvre de Monsieur Seguin, l'herbe verte des hauts pâturages lui fait envie.
Mais il y a le loup…
Tenir jusqu'à l'aube évoque de façon très juste la difficulté d'être mère, le don de soi que suppose le fait d'avoir un enfant, notamment quand on est seul ou sans famille qui puisse aider, prendre le relais.
Élever un enfant est un bonheur, certes, mais qui peut très vite tourner au cauchemar, devenir un enfer si une petite pierre vient freiner le mécanisme, ralentir l'engrenage, voire le gripper complètement ! Parfois, il ne faut pas grand-chose pour que ça coince. Quelle femme n'a jamais ressenti cela ?
La description détaillée et très réaliste du quotidien de cette mère donne à voir de façon saisissante la façon dont elle s'enfonce lentement. Et nous, lecteurs, nous avançons en apnée dans ce récit tellement cette mère, de plus en plus fragilisée, semble marcher sur un fil sans filet… Combien de temps va-t-elle tenir ?
Le roman montre très justement que la société juge, condamne lorsque la femme a besoin de soutien ou aspire à autre chose qu'être mère, tandis que l'homme peut s'octroyer tout le temps qu'il veut pour son travail ou ses activités sportives. Les choses évoluent finalement bien doucement.
L'auteur pose un regard de sociologue sur une société qui a encore bien du chemin à accomplir à la fois dans les mentalités et dans la création de structures concrètes telles que des crèches (aux horaires souples) - quand je pense qu'à notre époque où les femmes travaillent, il faut pleurer pour avoir une place en crèche! Quelle misère !
Un roman féministe, percutant et très actuel qui met le doigt sur un vrai problème de société !
À méditer !


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lireaulit
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le 21 août 2018

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