Intéressant mais mal écrit
Récit beaucoup trop court selon moi, clairement à destination des lycéens.Il mériterait d'être retravaillé en une version aboutie, pour adultes.
Par
le 10 nov. 2023
Bon, alors. Déjà, on va établir en préambule que j'adore Fabien Cerutti et que je suis un grand fan de son cycle : Le Batârd de Kosigan.
Ceci étant dit, on va pouvoir s'attaquer au morceau du jour, auquel je ne vais clairement pas tresser des louanges.
Qu'est-ce donc que ce Terra Humanis alors ?
Comme le laisse entendre le sous-titre, il s'agit d'un récit utopique, sur un XXIe siècle qui résoudrait les problèmes écologiques et sociaux que nous connaissons aujourd'hui. Tous ? Tous.
C'est plutôt bien comme programme non ? Alors qu'est-ce qui coince ?
Malheureusement, à peu près tout.
D'abord, dès le choix de l'héroïne qui va amener le changement. En effet, cette dernière est une jeune femme surdouée, dotée d'un QI de plus de 200. Et moi, là, déjà je coince. Outre le fait que la notion de gros QI = gros génie, on pourrait déjà en discuter, ben le côté "homme providentiel" (femme en l'occurrence), je trouve ça dérangeant sur le plan intellectuel.
Ça sous-entend implicitement qu'il faudrait un.e personne providentielle (et en plus géniale) pour espérer voir les choses aller dans le bon sens. Et rien que ça, en soit, c'est un problème.
Mais bon, s'il n'y avait que ça. Le vrai problème de ce roman, c'est qu'il est vraiment trop utopique et tend à effacer les éventuels problèmes d'un trait de plume, à base de solutionnisme technologique ou zététique, et tout cela est un peu facile.
Comment on va financer les changements nécessaires ? Avec une taxe sur les transactions boursière bien sûr !
Comment on va convaincre les politiques de se bouger ? Par le lobbying politique évidemment !
Comment on règle les émissions de CO2 sans retourner à l'âge de pierre ? T'inquiète, les savants vont découvrir une source d'énergie infinie et propre (oui, comme ça, hop !)
Le récit choisit aussi (sciemment) de minimiser les obstacles économiques : le monde des affaires, les ultras riches, les grandes entreprises, sont à peine envisagés, et jamais comme des forces limitantes (ou vraiment marginales, en mode "c'est pas important").
Idem pour le politique. Tout semble se résumer à un jeu de "je te tiens, tu me tiens par la barbichette" électoral où seule compte l'opinion publique, sans prendre en compte les leviers économiques ou médiatiques qui pèsent si lourd sur les élections, partout dans le monde.
Le cas russe est un peu approché, avec un dirigeant post-Poutine qui en a quand même gardé les penchants autoritaires. Et même là, c'est mignon quand on voit comment ça se passe vraiment en Russie.
Bref, tout semble se résoudre un peu comme si ça allait de soi, comme si le bon sens l'emportait toujours, et sans tenir compte d'aucun des facteurs qui sont des freins à une pensée écologiste radicale. Et le cœur du problème est là. Le roman manque singulièrement de matérialisme à mon goût. Tout manque de consistance, tout est trop simple.
Autre point négatif à mon sens : le groupe de "sauveurs" qui initie le mouvement de transformation écologiste n'est constitué que de sciencepistes issus des élites mondiales, tous turbo-bourges, tous pétris de bonnes intentions et décidés à penser pour les masses. Et bah super alors. On est pour moi face à une vision de la politique très bourgeoise, très imprégnée de l'idéal républicain de méritocratie qui ne pense les solutions que par les élites, par les fruits de l'instruction publique et de la Raison avec un grand R.
On arrive donc à une société certes utopique : plus de réchauffement climatique, revenu de base pour tout le monde, désarmement mondial, énergie illimitée, etc... mais totalement hors-sol. Et on aurait pu en rester là (et le roman serait resté pas terrible).
Sauf que non. Fabien Cerutti rallonge la sauce en ajoutant à son récit une histoire de premier contact avec des aliens ayant quitté leur planète devenue inhabitable et demandant l'asile sur Terre. Clin d'œil ne manquant pas d'ironie, certes, mais pas très subtil, d'autant que le premier contact se finit très très mal pour l'Humanité (ah oui, spoiler hein ?).
Et du coup, cette dernière partie, non seulement ne change rien au côté naïf des solutions avancées, mais y ajoute un sentiment de "tout ça pour ça ?" qui a achevé de me faire détester ce livre.
C'est très dommage, et j'espère que ses prochains romans seront plus convaincants que celui-ci, qui ne restera pas dans les annales, je pense.
Créée
le 10 janv. 2024
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