Tous les ans je me relit un volume de La Tour Sombre, de Stephen King : J'avais kiffé relire Le Pistolero et j'avais un peu été gonflé devant les Trois Cartes qui enlève une grosse partie du mystère, introduit Roland au XXe siècle et a des passages pénibles à lire (en plus de faire d'Eddie et Susannah des gros boulets durant la quasi totalité du livre.) Terre Perdues se trouve pour moi entre les deux : on sent que King a besoin d'avoir fini d'introduire son roaster de personnage (son ka-tet) mais qu'une fois ceux-ci arrivés il peut démarrer l'histoire. (Enfin "démarrer" dans un monde où chaque tome fait 500 pages.) J'aurai d'ailleurs lu ce livre entre deux lectures de Moby Dick, c'est dire à quel point je me suis retrouvé dans les pavés. .
Nota : j'ai pas mis de balise spoil, vu que je spoile chronologiquement le livre.
La nécessité du retour de Jake :
King a un énorme problème narratif après Le Pistolero : il faut que Jake revienne. Peut-être parce qu'il s'est attaché au personnage ou peut-être parce que ça fait de Roland un trop gros con d'avoir laissé mourir l'enfant qu'il considérait comme son fils. Ainsi dans les Trois Cartes, il empêche la "mort" de Jake et sa venue dans son monde... ce qui provoque un paradoxe au début du roman : Jake et Roland sont en face de souvenirs contradictoires.
Sauf que la résolution ne fonctionne pas : le fait que Jake rejoigne plus tard Roland dans son monde, ne change nullement le passé et ça suspend complètement mon incrédulité (moi qui adore les histoires de voyage dans le temps en plus.) On sent que Stephen King a juste envie de résoudre cette intrigue avant de passer à autre chose, mais une fois qu'on en connait la finalité on se retrouve avec une première partie de 200 page que j'ai trouvé lourde à relire.
Certes, cela permet d'introduire quelques éléments qui serviront pour plus tard, comme l'obtention d'un livre de devinette, la rose et Charlie-le-tchou-tchou (qui a été réellement édité au passage) mais c'est pas fou-fou. Mis à part la rencontre entre le pistolero et son petit groupe d'un énorme ours robotique (permettant de développer la mythologie du monde de Roland) le reste était soit très anecdotique (Jake, ses camarades de classes, ses parents, les efforts que tous font pour créer une clé qui permettra d'ouvrir la porte entre les deux mondes, etc...) soit très "Stephen King-core" (New York, le fait que le grand frère d'Eddy le martyrise) soit gênant (Roland qui demande à Susannah de se faire baiser par un démon pour effectuer le rituel.)
Le Ka-tet se lance enfin :
Mais une fois que c'est fait, ils se mettent enfin en route vers la tour sombre et j'étais enfin content de voir l'histoire avancer. Alors, certes, c'est pas vraiment un univers qui fait rêver, on est dans la description d'un monde qui s'effondre et on ne peut pas dire que l'excursion pendant une cinquantaine de page chez des petits vieux soit follement passionnant, mais ça donne enfin du corps à cet univers et à cette aventure.
D'ailleurs, étrange que dans un monde dévasté qui court à sa perte (dans lequel les gens peuvent se tuer toutes les heures en sacrifice en un dieu) ils trouvent une sorte de mascotte, Ote (Oy) mélange de marmotte et de chien. Je ne sais pas trop si celui-ci aura son importance ou si King avait vraiment envie d'ajouter un animal de compagnie au groupe, mais la peluche n'est pas trop embarrassante. De leur côté, Eddie et Susannah prennent de l'épaisseur, ils gagnent en personnalité et ça donne vraiment envie de les suivre.
Toutefois, une fois le livre fini, j'ai quand même l'impression qu'il ne se soit pas passé tant de choses que ça dans cette dernière partie : la ville de Lud est assez peu décrite, on a essentiellement pour antagonistes des personnages devenus fous à cause de l'apocalypse (et de la chanson "velcro fly" des ZZ Top) et une grosse partie de l'intrigue consiste soit à trouver la gare, soit à récupérer Jake des mains d'un des bandits. C'est surtout que comme c'est King, toutes ces péripéties s'étalent sur 300 pages.
Heureusement la fin se termine avec Blaine, metteant les personnages face à un personnage dangereux.... avant de finir par un cliffhanger. On sent King lui-même gêné par cela, au point qu'il en fait un épilogue pour s'excuser et dire que la suite arrivera vite (lol). Et pour connaitre la suite, je comprends que ça soit un peu bancal, tant cette épisode aurait gagné à être réarrangé pour se retrouver soit à la fin de ce volume, soit être au début du suivant. Et le pire, c'est qu'il a laissé les lecteurs poireauter pendant 6 ans avec ce cliffhanger.
A la lecture, on sent que les traducteurs ont du débattre avec l'anglais : ainsi on passe de "Blaine is pain" (Blaine est la douleur) à "Blaine est peine." Certaines devinettes sont expliqués en bas de page, et d'autres sont plutôt bien traduites.
Allez, j'ai hâte de lire le 4eme volume, que je me souviens avoir beaucoup apprécié lors de sa sortie.