En 2007, le monde de la Fantasy était en deuil : après avoir perdu Leigh Eddings, Robert Jordan succomba d’une maladie rare, laissant derrière lui des lecteurs chagrinés. Mais il avait une dernière volonté : que les fans connaissent la fin de son récit légendaire sur lequel il planchait depuis plus de vingt ans. Avant de mourir, il s’est assuré de laisser un maximum de notes afin qu’un auteur chevronné puisse écrire cet héritage. Est alors survenu le jeune Brandon Sanderson, étoile montante de la fantasy et fin connaisseur.
Une chose est certaine : la relève est assurée ! Fan inconditionnel de la saga, Brandon Sanderson a transmis le souhait du regretté Robert Jordan comme nul autre ne l’aurait accompli. Il s’est adapté au style de la Roue du Temps, et bien que son écriture soit plus directe et moins contemplative, il a su restranscrire une ambiance on ne peut plus fidèle. La suite est tel qu’on l’aurait imaginé : à l’aide des notes de Jordan et des suggestions d’Harriett, Sanderson a porté ce qui est pour moi le meilleur tome depuis le quatrième.
Les événements s’accélèrent et pourtant l’histoire prend bien le temps d’être développée. 1000 pages denses et riches, ponctués de moments forts, de séquence d’émotion d’une intensité rarement égalée. Que l’on cesse de prétendre que la Fantasy est de la « sous-littérature », ici, la Roue du temps a prouvé une fois qu’elle se classe parmi les meilleurs. Avec son univers d’une grandeur immense. Avec son panel de personnages écrits avec justesse. Avec ses rebondissements calculés et son habileté à happer le lecteur dans cette grande aventure. C’est un intarissable torrent d’évènements où même les moments calmes se révèlent glaçants.
Deux personnages se démarquent au cours de cette épopée : Egwene Al’Vere et Rand Al’Thor. La première devient l’un de mes personnages favoris par sa détermination et sa persévérance. C’est dans ce tome qu’elle s’illustre, que la guerre interne de la Tour Blanche rencontre son terme. Elle prouve qu’elle mérite amplement de les mener contre l’adversité. Pas en maîtrisant mieux la magie qu’elles, mais privilégiant la voie de conciliation, en unissant malgré les différences. Pour défaire Elaida, nul besoin de la défier en combat singulier, il suffit d’argumenter, d’utiliser les mots pour dévoiler ses torts au grand jour. Et elle le réussit parfaitement.
Et Rand… Mon avis vis-à-vis de ce personnage principal. Tantôt naïf, tantôt insupportable, tantôt sympathique, ce tome a été décisif pour lui. Maintenant, je suis véritablement inquiet pour lui. Certes il méritait d’évoluer, mais là ce fut brutal ! Rongé par ce nouveau pouvoir, aveuglé par sa volonté de détruire le mal, il se perd lui-même :
Tout commence lorsqu’aucune information ne peut être extorqué de leur ennemie emprisonnée, Semirhage. Elle parvient alors à se libérer et le manipule pour blesser Min. Alors ses nouveaux pouvoirs se réveillent et il la désintègre, animé de la colère qui l’habite. S’ensuit sa lente décadence… Virer Cadsuane, être violent envers Nynaeve et Min, détruire une tour avec des dizaines d’innocents dedans, manquer de tuer son père adoptif, s’en prendre seul au Seanchan… Qui pourra l’aider ?
Ainsi donc, le développement de personnages atteint son paroxysme. On peut déplorer quelques exceptions comme Mat qui, malgré ses évolutions, demeure toujours le même. Perrin et Elayne sont aussi délaissés au profit de personnages plus secondaires tels que Gawyn, toujours aussi insupportable et indigne d’Egwene, Siuan dont la sagesse imprègne toujours le récit, ou Tuon qui intrigue de plus en plus en tant qu’impératrice du Seanchan. Pensons aussi à Nynaeve et Min, toujours aussi soucieuses de Rand…
The Gathering Storm représente donc le digne héritier de la saga. Entre actions et émotion, les destinées s’entremêlent dans un festival de révélations et de moments forts ! Une écriture à son paroxysme, des intrigues terminées, d’autres encore ouvertes… Dire qu’il reste deux tomes.