Californie, fin des années 60. Evie à 14 ans est une adolescente avide de liberté, cette liberté incarnée par ce groupe de filles qu’elle croise en ville -ce qu’elle considérera avec recul comme une « question de malchance » – et finira par suivre jusqu’au ranch où elles vivent sous la coupe de Russell. Des années plus tard, alors qu’Evie vit plus ou moins coupée du monde, sa rencontre avec Sasha la ramène à un passé pas si lointain : personne n’ignore les terribles évènements auxquels elle fut mêlée de loin.
On s’interroge souvent – et on n’a pas fini de le faire – sur le mode de fonctionnement des sectes et leur recrutement : comment des personnes a priori équilibrées glissent-elles sans réellement en prendre conscience sous l’emprise d’un groupe, au point de ne plus exister que pour lui et renier toute individualité ? C’est le tour de force de ce magnifique (et premier !) roman d’Emma cline qui met des mots sur cette recherche avide de reconnaissance d’une adolescente, d’un amour quelqu’il soit. Evie ferait tout pour sortir d’une existence limitée et prévisible, et la façon de vivre de ces jeunes filles représente tout à coup pour elle un idéal accessible.
Pour autant ce ce n’est pas Russell, ce type charismatique grand « spécialiste de la tristesse féminine » (directement inspiré du sinistre Charles Manson – jamais le mot « gourou » n’est formulé) qui la fascine le plus mais Suzanne, personnage ambigu qui l’attire et la repousse et l’entraîne irrémédiablement. Toutes ces filles se figurent que l’on n’a de la valeur que lorsqu’on est désiré, et c’est cette illusion qui va les emmener au drame.
Je retrouve ici ce qui m’a fait tant aimer des auteurs comme Laura Kasischke ou des films comme Virgin Suicides : le portrait extraordinaire de jeunes filles dans la complexité de leur chair et la férocité de leurs désirs.
https://cestquoicebazar.wordpress.com/2016/08/22/the-girls-gros-coup-de-%E2%99%A5/