Chez les Toraja en Indonésie, la mort occupe une place centrale dans l'existence et les rites funéraires sont fondamentaux. Ainsi, entre les racines de l'arbre du Toraja, on dépose le corps des bébés mort-nés, pour qu'elles se referment sur eux et les élèvent jusqu'au ciel. Lorsque le narrateur, scénariste et cinéaste (double de l'écrivain) revient de son voyage en Indonésie avec plein de questionnements sur la place que l'on accorde à la mort dans notre propre société - vivrait-on mieux en l'intégrant mieux ? -, il est confronté à la nouvelle de la maladie de son meilleur ami, Eugène.
Le mal d'Eugène fait alors remonter à la surface tous les disparus (que ce soient des compagnons d'escalade ou une petite fille mort-née), et au lieu de combattre cette impression d'être cerné par la mort, incite notre narrateur à entamer une réflexion, presqu'une enquête sur le rapport au corps, à la maladie, au vieillissement. Et c'est d'une évidence et d'une luminosité à serrer la gorge, à donner envie de relire encore et encore certaines pages. Que signifie être vivant ? Tandis qu'Eugène meurt, la vie doit continuer, autrement mais elle doit continuer, avec la pleine conscience de sa fragilité, alors même que notre scénariste est lui-même à mi parcours de sa vie, entre un amour qui finit et un amour qui commence, en plus d'un projet de film (oh les anecdotes sur son métier, ah cette scène délicieuse où il rencontre Michel Piccoli), que tout reste encore à venir et à construire.
Au-delà de cette méditation, c'est aussi un texte fort et remarquable sur l'amitié, celle qui est évidente, celle qui se passe de mots, et par ce texte c'est comme s'il poursuivait une conversation interrompue avec Eugène, lui construisait un mausolée, un nouvel arbre du Toraja dédié à l'ami qui est parti.
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