Il va m'être un peu difficile de rester objectif, Richard est un excellent auteur reconnu par de nombreuses et importantes critiques (New York Times, National Geographic etc), Andrew Joslin qui offre d'excellentes illustrations est un grimpeur et un humain formidable, tous deux le sont en fait.
Là où ça risque de se compliquer c'est que je suis irrémédiablement passionné par la dendrologie et la grimpe d'arbre, que les bouquins parlant des deux sujets sont encore plus rares, et qu'en prime il traite de notre Himalaya. En fait ce roman est le premier à vraiment traiter de la grimpe d'arbre. Sans doute parce que Richard est tombé dedans grâce à l'écriture du livre. C'est un auteur de terrain à la fibre journalistique, un peu comme notre Kessel national, et pour pouvoir suivre Steve Sillett et son équipe pour prendre ses notes il est allé apprendre à grimper auprès de Peter Jenkins, père de la grimpe d'arbre de loisir. Il est tombé dedans et est devenu un de ces tree lovers comme on en fait peu.
Il y a peu de personnages dans ce roman que Richard n'ait rencontré et souvent pour passer du temps avec eux en pleine nature, et le plus fréquemment possible perché dans les arbres. Il n'y a pas d’événement qui ne se soit déroulé, la conquête scientifique des redwoods est vraiment faite de gars plus ou moins dingues qui risquent leur vie par simple passion de ce qu'il se passe là haut. Et cette passion, perché à au moins 70 mètres du sol dans des arbres totalement sauvages (donc imprévisibles) Richard l'a vécu et la vit toujours. C'est à mon sens une des raisons de certaines extrapolations très romantiques des événements et de la grimpe, Richard est un amoureux sincère et total de son sujet, et comme tout amoureux il lui arrive d'idéaliser l'être cher...
Par contre il y a un vrai hic, Il était alors un jeune grimpeur à l'époque et il était totalement bouleversé par les personnes qu'il a rencontré et les sensations qu'il a vécu. Cela l'a un peu aveuglé car du coup il s'est focalisé sur eux et n'a pas entendu parler de quelques doux dingues qui avaient parcouru les redwoods avant Sillett et ses potes. Ainsi Gerald Beranek et avant lui Vassy et Castro, avaient grimpé dans les géants quelques années plus tôt. A la décharge de Richard les USA sont grands et à l'époque les milieux arboristes plus hermétiques, ainsi les élagueurs intéressés par la dendrologie connaissaient peu les grimpeurs loisir ou les scientifiques et vice versa. Et il faut savoir que ces milieux se limitaient qui plus est à quelques dizaines d'individus dispersés à l'échelle d'un continent sans moyens de télécommunications modernes. Et puis il faut le dire, les américains ont quand même un gros complexe du "je suis le premier à avoir fait..." et peut être encore plus dans les milieux comme celui ci qui permettent des découvertes. C'est sensiblement lié à la névrose égémonique nationale, mais pas seulement, c'est aussi une réaction très western, très "soyons premiers à découvrir ces terres sauvages", ainsi qu'une grande naïveté absolument sincère, les tree lovers sont de grands gamins sensibles, le plus souvent fruits de la beat generation, à la fois légers et investis.
Ainsi Richard était très sincère en croyant bien faire alors qu'il faisait de Sillett le pionnier de la découverte des redwoods, mais dans l'erreur. Il l'a regretté pus tard et a fait amende honorable. C'est pour cette unique raison que je donne un 9 et pas un 10 à cette oeuvre. En dehors de cela c'est un bouquin brillant, riche, passionné, visionnaire et unique, un pilier de la culture tree climbing. Malheureusement non traduit et donc réservé aux anglophones.