Hop, encore un roman de T.C.Boyle à ajouter aux rayonnages de sa bibliothèque...
Même si l'on est loin du style fleuri et savoureusement déjanté de ses débuts, ce dernier roman est un régal.
Tant parce que l'auteur prend le parti de nous raconter, sans en faire une biographie pure, une grande partie de la vie d'une des figures américaine du début du XXe siècle, que par sa propension à ne jamais emprunter la voie de la facilité.
Ainsi, le roman est centré non pas sur les prouesses architecturales de Frank Lloyd Wright (même si Boyle y rend hommage à travers de nombreuses allusions, ainsi qu'à travers le "personnage" à part entière de Taliesin), mais sur les aventures, conjugales ou non, de celui-ci.
De même, Boyle a choisi de confier la narration à un étudiant japonais présent dans la maison-atelier de Wright au moment des faits, en lieu et place de Wright lui-même - parti pris inspiré de Nabokov, de l'aveu de l'auteur -.
L'ouvrage, comme son nom l'indique, est donc bien centré sur trois femmes qui, chacune à tour de rôle, ont eu leur part d'influence dans la vie de l'architecte, pour le meilleur et pour le pire.
Trois femmes pour lesquelles Frank Lloyd Wright fut tour à tour un mentor, un alter-ego, un pygmalion, une âme soeur, une victime, un invraisemblable salopard, un dieu vivant...Boyle ne recule devant aucun qualificatif pour décrire la complexité et l'ambivalence de son personnage, qu'il confronte à travers 600 pages à une multitude de situations plus ou moins rocambolesques, tantôt drôles, tantôt absurdes.
On connait la passion qu'entretient Boyle, ainsi que son aptitude, à dessiner des personnages féminins ; nul doute que son talent s'exprime une nouvelle fois dans toute sa dimension ici.
L'univers de Thomas Coraghessan Boyle a mûri au fil des années pour devenir un modèle de richesse et de foisonnement propre à soutenir à merveille les péripéties pas toujours roses de ses personnages.
Il met cette fois l'accent sur la bohème, l'émerveillement constant de la vie loin des villes, et rebondit avec acuité sur la sensation d'isolement et la routine de la vie champêtre. Le contraste omniprésent entre l'univers citadin (les allers-retours incessants de Wright à Chicago, la mondanité maladive de Maude) et rural (la vie à Taliesin) symbolise d'ailleurs tout au long du roman le style architectural particulier de Wright, à savoir un mélange de matériaux anciens et modernes comme le bois et le béton.
Un mélange virtuose que l'auteur retranscrit à la perfection sans pour autant s'empêcher de retomber dans ses travers habituels.
Pourquoi, en effet, tout roman de cet auteur est-il voué à se clore sur une note aussi tragique ? On ne peut que conjecturer sur ce qui pousse Boyle à s'acharner ainsi sur ses personnages, à les confronter au pire, et à les pousser vers un dénouement aussi profondément déprimant (à quelques exceptions près : Water-Music, La belle affaire).
Le titre de son prochain livre (When the killing's done, à paraitre cette année) n'est d'ailleurs pas pour là rassurer, même si l'on peut gager sans prendre trop de risque qu'il sera à placer aux côtés de The Women dans les rayonnages "lus et appréciés".
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