Du point de vue du monde vécu, la métaphore, même l'absolue, et de surcroît dans sa forme ramassée, précisément définie par la grammaire et la rhétorique, est un phénomène tardif et dérivé. C'est pourquoi la métaphorologie, si elle n'entend pas se borner à la fonction adjuvante de la métaphore dans la formation des concepts, mais devenir le fil conducteur de sa prise en compte dans la manière d'envisager le monde de la vie, ne peut pas s'en sortir sans s'intégrer à l'horizon plus vaste d'une théorie de l'inconceptualité.
Le cas exemplaire est à mes yeux celui du mythe : de par sa fonction, il ressortit à l'origine, tout à fait au contexte de la libération d'une peur ; mais il finit par être également un inépuisable réservoir offrant les figures essentielles de ce qui peut encore être goûté dans les rituels dépassés et leur attrait esthétique, dans la poésie, dans la tragédie.
C'est pour cette raison que la métaphore est né outre un médium esthétique parce qu'elle est aussi bien sise dans une sphère d'origine du concept qu'elle doit de plus constamment intervenir pour répondre aux insuffisances du concept et aux limites de ses performances. La métaphorologie n'est certes pas une discipline esthétique : elle considère le rapport entre métaphore et concept dans une perspective génétique et fonctionnelle; mais il appartient pleinement à sa problématique de décrire et d'expliquer comment la métaphore entre parfaitement dans un contexte esthétique, ou, mieux, comment ce qui est d'ordre esthétique procède d'un substrat métaphorique et mythique.