Ce livre est un document à la fois fascinant et mystérieux, les admirateurs de l'oeuvre de Orwell "1984" et de science politique s'en délecteront je pense. Théorie et pratique du collectivisme oligarchique est ce fameux livre fictif qu'avait imaginé Orwell et auquel les personnages de 1984 se réfèrent souvent, le livre est signé Goldstein, comme le nom d'un fameux personnage de l'oeuvre d'Orwell. Le héro de 1984 en cite de nombreux passages ainsi que les titres de certains chapitres. Ce livre est pour le moins mystérieux, Il a été retrouvé pour la première fois en Belgique et il a été édité deux fois, une fois avec l'édition que l'on connaît et qui est disponible ici et une autre avec une préface, mais on ne sait pas si il s'agit d'un livre écrit par un fan ou bien est-ce un livre historique dont Orwell aurait pris connaissance pour écrire son oeuvre.
La piste laisse à penser que le document est authentique car on peut remarquer notamment qu'il parle de Adolf Hitler au présent (en parlant de "l'année dernière, en 1943"). Il est signé en 1948 (date de la parution de 1984, ce qui est étrange car une note indique qu'il a été publié en Russie en 1944) et est dédié à son "ami" Edouard Boulard, un sociologue socialiste mort en 1904, qui a lui même écrit un livre reprenant un titre similaire à celui-ci (Théorie et pratique du collectivisme intégral-révolutionnaire). Un mystère de la science politique donc, que les historiens et journalistes ne creusent pas plus que cela, ce que je trouve dommage. De toute évidence, l'auteur du livre semble avoir joui d'informations que le plus grand nombre ne possédait pas à l'époque, ce qui le rend encore plus fascinant - son explication sur l'origine de l'espionnage semble d'ailleurs confirmer cela. Il est d'ailleurs probable que le livre ait été un ouvrage collectif, tellement il déborde d'informations passionnantes et érudites dans tous les domaines. La version qui est disponible en pdf est une version traduite du russe, imprimé dans le style des anciens livres que l'on trouvait en France.
Ce livre semble avoir été écrit pour les dirigeants politiques et non pas pour un large public, un peu comme Le Prince de Machiavel ou l'Anti-Machiavel de Frédéric II de Prusse. Si ce livre est un canular, il est extrêmement bon, rigoureux et incroyablement précis, il est truffé de notions politiques de l'époque (le mot "gouvernance" notamment, qui n'est pas utilisé de la même manière qu'aujourd'hui), il reprend les travaux de Machiavel, Karl Marx, Lénine, Gustave Le Bon, Napoléon, Platon, Spencer, Hitler, Pareto... de manière assez formelle, sans émotions, sans jugements, comme un livre de méthodologie, une sorte d'initiation au pouvoir. Goldstein dans ce livre ne se revendique d'aucun parti politique ou d'aucune préférence quelconque si ce n'est la bonne gouvernance, à l'époque les collectivismes qu'ils soient fascistes ou communistes, restaient des collectivismes et étaient peu différenciés sur la forme. Goldstein n'est pas idéologique, il est pragmatique, et il insiste sur le fait que la religion et les idées sont des moyens de parvenir à ses fins. Il invoque énormément de notions de tout bord politique et les considère que par leurs effets démontrées empiriquement.
Le livre est d'une érudition historique et sociologique absolument incroyable, c'est ce qui fait qu'on apprends énormément de choses en le lisant. Il explique de manière scientifique et détachée comment acquérir le pouvoir et former la société collectiviste par excellence. Il prend en exemple la politique économique de l'Allemagne pour la valoriser, pareil pour la politique russe, la psychologie des masses française, la sociologie italienne, la propagande américaine, le rassemblement de toutes ces idées forment l'Etat parfait, celui que George Orwell a crée dans 1984, l'Etat d'Océania.
Un livre incroyablement précis dont on apprends énormément de chose sur la politique et l'histoire politique. Il y a quelque fautes d'orthographe et de syntaxe, alors que le style est soigné, je ne sais pas si cela est due à l'édition ou la traduction, mais la piste du canular me semble factice. Le livre est selon moi un classique bien trop méconnu.