Thérèse, en effet, philosophe. Cette jeune femme, d'abord guidée par de mauvais principes, dévote stupide et inconsistante, se met à penser à force de voir, d'entendre, souvent en cachette, petite espionne qui s'instruit. Savant mélange de cette instruction libertine très XVIIIe siècle et de joyeux ébats, ce roman qui se lit comme une friandise n'est pas comme La Philosophie dans le boudoir un huis clos entre instituteurs et élèves qui mettent leurs principes en application, mais bien un roman construit avec des péripéties, des récits enchâssés, des personnages qui se renouvellent, etc. Il y a un effort de structuration évident, et sans critiquer ce cher Sade dont le concept est délibérément autre, c'est un petit peu plus complexe au niveau de l'enchaînement des événements. Des personnages se racontent, dialoguent et se transmettent leur savoir... quand le maître philosophe est, dans notre roman, un abbé ! Oui oui. Mais non point un abbé ventripotent, libidineux, satyre effrayant dépourvu de principes - pas l'abbé sadien/sadique, celui qui hante l'imaginaire collectif comme un monstre de débauche prêt à passer (littéralement) sur le corps de tout jeune agneau qui se présente, mais un homme pieux, un homme simple, et profondément intelligent. Un abbé bien fait de sa personne, qui a longtemps médité sur la religion au point de n'être finalement plus catholique (il le dit lui-même) mais simplement déiste, avec des tendances panthéistes assez marquées. Notre abbé défend des idées novatrices pour l'époque, et classiques ou plus originales pour nous dans la critique des religions constituées, vertement critiquées. Pas mal, l'abbé. Qu'on croie ou non en Dieu, on y trouvera tous son compte, et je suis sûre que Sade s'y est retrouvé aussi, même en faisant profession d'athéisme. C'est simple ou complexe suivant les moments, et captivant - surtout quand ces discours sont ponctués de petites scènes affriolantes.
Attention toutefois, l'érotisme est bien plus modéré que dans La Philosophie dans le boudoir (qu'on pourrait appeler pornographie dans ce dernier livre, d'ailleurs...) - point de mots crus ici, ou alors auto-filtrés par leur mignonnerie ou leur imprécision, et on ne s'étend pas non plus sur les scènes auxquelles on assiste, qui sont plutôt succinctes mais efficaces et parfois touchantes. On a aussi des scènes assez horribles (je pense au début surtout, mais je ne vous spoilerai pas mes bons), et des scènes assez drôles et inhabituelles... C'est finalement plutôt exhaustif, une place est également ménagée à l'homosexualité des deux bords... Bref, ça ne se répète pas, c'est assez bien structuré pour qu'on ne se lasse pas, et ce n'est pas complètement immoral d'ailleurs, ce qui est parfois presque... surprenant. Mais plutôt dans le bon sens du terme.
Que dire de ce livre qui ne soit pas élogieux ? Vraiment, c'est très bien fait. Et bien écrit, aussi. C'est certes moins marquant que Sade, mais c'est parfait en son genre. Et court ! Pourquoi se priver ?
Eggdoll

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