Le gauchisme vous a toujours fait sourire ou au contraire vous énerve. Le maoïsme ne vous dit rien, ou vaguement. Alors à priori ce n'est pas un livre pour vous, sauf que...
Quand un vieux gauchiste, ancien de 68 et de Mao revient de manière éclatée sur son parcours on s'attend au pire. Pourtant on suit la trame décousue de son récit. Lui le vieux qui raconte à la fille de son meilleur ami décédé ce que c'était les années 60 et 70. Cette époque où on croyait du plus profond de son être au grand soir tendance révolution culturelle et grand timonier. Attention, il ne s'agit pas pour autant d'une critique idiote de cette époque ou d'un hommage aveugle et hors de propos. Ce livre c'est l'histoire des illusions perdues, des aveuglements stupides et des trahisons intimes.
Je n'ai pas de sympathie pour Mao, cet ordure XXL qui a pourtant fasciné toute une jeunesse de gauche éperdue d'ideal jusque dans les années 1970. Mais ceux qui traversent ce livre montrent toutes la variété des attitudes, des doutes, de la bêtise d'alors et, parfois, un certain courage lucide. Il ne s'agit pas de réhabiliter ces idées, l'auteur est le premier à les fracasser aujourd'hui, mais de comprendre comment on a alors pu sincèrement croire que le monde pouvait être transformé par une idéologie qui parait si bancale aujourd'hui. On réalise aussi comment cette croyance a pu justifier un certain nombre de saloperies franches et de tentatives d'un héroïsme dérisoire.
Pour reprendre un des thèmes du livre, c'est l'histoire d'une époque où l'on vivait à l'ombre d'un passé immense et dans l'attente d'un avenir plein d'espoir. Le présent ne comptait pas, l'individu était dérisoire. Est-on mieux aujourd'hui avec un hyper présent où l'histoire s'oublie à toute allure et où nos regards les plus lointains n'osent guère s'aventurer au delà de l'an prochain (si nous sommes encore en vie d'ici là) ?