Les débuts d'un auteur sont rarement glorieux et même Shakespeare ne peut échapper à la règle ; mais pourquoi descendre tant cette ébauche qui dessine la gloire à venir du grand dramaturge ? C'est vrai que c'est sanguinolent et vulgaire comme pas permis - et il y a de quoi se dire que c'est fait à dessein histoire d'attirer le plus de public possible lors de sa publication en 1594, au même titre que les films d'action bien bourrins attirent davantage de spectateurs que les productions plus calmes et réfléchies - et que c'est parfois incohérent, mais on peut profiter à plusieurs moments de la fougue du jeune auteur grâce aux tirades embrasées et aux pirouettes verbales qui renvoient parfois à ce qu'il a pu écrire de mieux, et il y a dans Titus Andronicus cette ardeur et cette spontanéité innocente de la jeunesse qu'il semble avoir perdues au fil des années et des pièces de théâtre à force d'avoir voulu museler l'instinct et l'intuition au nom, peut être, du défi littéraire et de l'envie de se renouveler. Quoiqu'il en soit, c'est à lire !