Branché par un fils toujours prêt à dénicher les bons plans, j'ai commencé par Titus d'enfer, premier volet émoustillant de cette trilogie. Un conte de fée pour tous, où l'adulte retrouve sa part d'enfance et bien d'autres joyeusetés. Un premier tome fourmillant et rebondissant, avec des personnages cocasses évoquant pour certains les seconds rôles d'Alice au pays des Merveilles, comme ceux du jeu de cartes (dans le dessin animé). Gormenghast est un pays merveilleux, avec des bons et des méchants qui ne le sont pas tant que ça, un monde sans doute moins sombre que l'univers de Bilbo le Hobbit, sans doute plus gentillet qu'Harry Potter. Mais cette fraîcheur rare a de belles vertus : elle provoque le sourire permanent. Un bonheur à l'état pur. Puis, j'ai enchaîné sur le tome deux. Le rythme m'y a paru beaucoup moins soutenu. Ce ne sont plus des péripéties mais des descriptions, de décor ou de personnages, ceux-ci se montrant d'ailleurs encore plus nombreux dans cet opus. Certaines pages endorment un peu. N'est-ce pas le but des contes de fées, me direz-vous ? Oui, c'est vrai. Peut-être suis-je déjà trop un homme du vingt-et-unième siècle, car mon impatience m'a fait trouver longuets certains passages. L'histoire décolle pourtant, au bout d'un certain temps. Étais-je soudain dans de meilleures dispositions ? Cet après-midi, j'ai retrouvé intact le haut plaisir de ce conte extraordinaire, qui bien que moins vivant qu'à son début frénétique, est un joyau de lecture. De lecture à voix haute même, tant la superbe traduction de Gilberte Lambrichs et Patrick Reumaux est une réussite. Je prends n'importe quel passage, au hasard, et je me laisser griser par cette musique très poétique... dont pourraient s'inspirer nombre de nos auteurs contemporains. Tolkien et Rowling peuvent aussi en prendre de la graine. La notoriété, comme les prix littéraires, n'est pas une garantie absolue !