D'une simplicité déconcertante, ce petit recueil de Paul Géraldy associe une facilité créative à un choix de mots bien pertinent. Dans ce style d'écriture, il est difficile de passer après les Maîtres Eluard, Aragon, ou encore Baudelaire, même si ce dernier se démarque par le style plus alambiqué, torturé et sombre qu'on lui connait. Il s'agit donc, face aux "Grands", de développer une identité et Paul Géraldy (de son vrai nom Lefèvre) s'en sort remarquablement bien. il ne rougit pas et assume son style, sans pompage que la communauté des lecteurs aurait pu immédiatement lui imputer.
Ce recueil, où il est principalement, uniquement et fondamentalement question d'amour, livre de véritables perles. Toi et Moi permet à son auteur d'obtenir notoriété et succès dans un cercle très restreint de poètes, et il réitèrera un "Vous et Moi", pour la petite histoire.
La poésie est un exercice difficile au coeur duquel on peut choisir le métrage scolaire, la beauté de la rime fouillée, ou encore la spontanéité d'une prose, pour peu que celle-ci trouve originalité et écho chez l'amateur. Où réside alors l'obstacle ? Simplement dans la répétition de ceux-ci..
Composer un recueil de poésie relève de la plus haute difficulté lorsque le thème reste le même sur l'ensemble de l'ouvrage. C'est un peu comme composer un album de musique en La Mineur et tenter pour chaque chanson de faire quelque chose de différent. Vous avez toujours les mêmes notes, les mêmes sonorités, et la même guitare, mais vous ne pouvez pas répéter le même morceau, et devez rendre à l'auditeur une ambiance différente.
Là encore, Paul Géraldy s'en sort admirablement bien, grâce à une identité particulière dans le choix de ses mots, et surtout sa capacité à livrer la multiplicité des nuances de l'amour, de la passion, à la douleur, en passant par la célébration, ou encore en mettant en avant des scènes d'un quotidien évident, encore fallait-il y penser !
Ce livre est composé de mots qui trouvent autant de pertinence chez le lecteur que celui-ci n'en a d'expérience avec la Femme, et l'Amour. Certaines compositions sont concises et d'autres plus longues, installées quasiment comme des dialogues, qui sont en fait des monologues... Et l'auteur donne parfois l'impression qu'il parle à une insaisissable et fantomatique femme dont nous souhaitons ardemment percer l'identité en fin de livre.
Une réussite que je salue et dont je ne peux m'empêcher de citer quelques vers, intitulés "Méditation". Le lecteur me pardonnera cette manoeuvre qui n'a comme volonté que l'appréciation -ou non- directe, du style du poète, car qui sommes-nous pour comprendre le poète, si nous ne sommes pas tombeau ? (Car le tombeau, toujours, comprendra le poète, disait Baudelaire.)
Quoiqu'on aime et souffre ensemble,
tous les deux,
Au fond l'on ne se ressemble
que bien peu.
Il suffit d'une querelle
même infime,
pour qu'entre nous se révèlent
des abîmes !
On croit qu'on est éperdu
de tendresse,
mais dès qu'il ne s'agit plus
de caresses,
on ne se comprend en somme qu'à demi...
Si tu étais un homme,
Serions-nous des amis ?
Magnifique.
Et pour les plus courageux qui auront lu cette critique jusqu'au bout, possédant un exemplaire dédicacé par Gilardy lui-même, je vous offre ce merveilleux mot qu'il a écrit dessus :
"Les rêves sont des étoiles,
Qui passent
et derrière eux,
La nuit est cruelle."