Tokyo Vice est le roman autobiographique de Jake Adelstein, juif américain ayant travaillé pendant 20 ans au Yomiuri Shinbun, le journal le plus vendu au monde.
Tout d'abord, ce livre s'adresse à un public purement occidental. En effet, on effleure ici un condensé romantisé de la vie d'une des très rares personnes non japonaises ayant entré dans un journal Japonais. Et il nous raconte son point de vu orienté. Il n'est donc pas rare que l'auteur prenne partie pour sa cause ou, inconsciemment reste occidental dans sa manière de voir les choses. Un exemple au hasard : (début du roman : le choix du journal).
"Au début, je penchais pour l'Asahi, mais je me sentais offensé par sa tendance à considérer les États-Unis sous un mauvais jour à chaque fois que l'occasion se présentait. à mon avis cela ne colle pas avec ce que les Japonais pensent de l'Amérique - plutôt vu comme un défenseur de la liberté et de la justice en Occident".
Le plus gros défaut de ce livre est d'ailleurs Jake lui-même. On l'apprécie au début mais de moins en moins dans la deuxième partie du livre où le personnage devient une sorte de justicier moraliste, n'hésitant pas à se mettre totalement en avant et balayant tout sous sa vision. Il est très critiquable sur la relation qu'il a avec sa femme et sa fille, sur ses adultères, sur sa beauferie et ses idées politiques qu'il prend comme des vérités. Ce livre manque très clairement de recul et j'adhère rarement avec ses positions.
Ce livre est une mine à infos et anecdotes intéressantes :
La codification du Japon, comment Jake acheta un Mofuku (tunique noire portée aux enterrements) au lieu d'un Reifuku (tenue formelle) lors de son examen aux épreuves du Yomiuri.
L'évolution des règles de sécurités au Japon avant et après les attentats dans le métro par la secte Aum Shinrikyo.
Apprendre les différentes lois de mœurs. Les différents groupes de Yakuzas : Le Yamaguchi-gumi, le Sumiyoshi-kai... Des faits divers les concernant, des rencontres, leur évolution au fil du temps, qui sont aujourd'hui plus des escrocs hommes d'affaires enfreignant les lois de manières plus intelligentes et avec moins d'honneur (mais pas seulement).
Apprendre des termes japonais comme les Izakayas (bar japonais), je connaissais "Yukidaruma 雪だるま qui est le bonhomme de neige mais je ne savais pas qu'il y avait son homologue "Hidaruma" 火だるま qui est littéralement utilisée pour parler d'une personne qui s'immole.
Le Bounenkai 忘年会 qui sont les fêtes de fins d'années pour "oublier l'année" etc...
Parler du suicide au Japon, avec un fait divers mais aussi le "parfait manuel du suicide" Au moins 5 ou 6 histoires de ce type dans le roman, dont l'auteur lui-même qui a pensé au suicide.
Il y a une grande partie du roman qui parle de sexe et qui est la partie la plus longue et (pour moi) ennuyante : Le quartier chaud de Kabukicho, les différents passages et le travail de Jake qui n'est jamais loin des Soaplands, du quartier de Roppongi. Puis dans la deuxième partie où il travaille auprès de ces femmes et enquête sur l'esclavagisme de certains de ces "commerces".
Des faits divers plutôt connus allant jusqu'en France avec par exemple Issei Sagawa qui avait assassiné puis mangé certaines des parties du corps d'une Hollandaise à Paris. La France l'avait considéré comme fou et renvoyé au Japon où il n'a jamais été envoyé en prison.
Je connaissais cette histoire sordide, j'avais déjà vu un reportage qui racontait son histoire puis lui rendait visite à son domicile au Japon où il disait que ses pulsions ne se sont jamais éteintes mais qu'il n'avait maintenant plus un fétichisme pour les occidentales mais les femmes Japonaises (que fait la police).
On pense aussi que le Japon n'a pas connu de vague d'immigration mais il y'en a eu (coréennes, chinoises) mais aussi Iranienne lorsque le Japon à son apogée (fin 80s) avait besoin de main-d’œuvre dans des secteurs difficiles que les Japonais ne voulaient plus aller. Il y'a encore aujourd'hui une communauté Iranienne qui est resté au Japon.
Mes moments préférés dans ce roman sont la rencontre et l'amitié qu'il a eu avec l'inspecteur Sekiguchi et sa famille, les différents faits-divers et anecdotes qui agrémentent le roman, comme par exemple l'affaire du chenil de Saitama... Comment l'auteur devient aliéné par son travail aussi, qui passe avant tout jusqu'à ce qu'il s'y perde lui-même et devient comme il le dit lui-même "une pute de l'info", qui travaille des semaines entières sans jamais s'arrêter.
Ce que j'ai moins aimé sont les longueurs du récit. Il y a trop de moments à blablater avec le TMPD, où il ne se passe pas grand chose, comment il doit boire et offrir des donuts à tout le monde, faire copain-copain avec ses informateurs, ses semaines de galères où il n'arrive pas à écrire d'article etc...
Je ne sais pas s'il ne se fout pas de nous parce qu'il dit qu'il renomme ses personnages pour ne pas les reconnaitre certes, mais il y a un moment où un personnage s'appelle "Mike Cox", j'ai trouvé ça un peu louche mais je vais laisser place au doute.
Un bon roman pour entrer dans le monde Japonais en douceur.