Toll the Hounds a représenté un sacré morceau à parcourir. Il s’agit du plus long tome de la saga, avec presque 1300 pages, et d’une densité telle que la pléthore de détails était d’une richesse incommensurable. Il n’est pas inhabituel pour moi d’attendre plusieurs centaines de pages, le temps que les engrenages se placent et que les enjeux soient réintroduits, pour m’immerger complètement dans cet univers.
Ce huitième tome a assumé plusieurs lourdes tâches : qui dit retour à la célèbre ville du Darhujistan dit retour de personnages absents depuis pas moins de cinq tomes ! Les plus évidents d’entre eux sont les « Bridgeburners », désormais retraités de l’armée malazéenne. Ils pensaient couler une retraite tranquille au « Phoenix Inn », ainsi nous retrouvons le couple Picker et Blend, ou encore Antsy et Mallet profiter de la vie. Mais ils sont dans le collimateur de la guilde des assassins, dirigé par leur maîtresse Vorcan, qui ont une dent contre eux… Au sein de la cité règnent également des tensions politiques et religieuses, mais aussi amoureuses, comme un certain Cutter entretient une relation extraconjugale avec une noble appelée Challice. Était-ce donc le bon moment pour que surviennent des mages, parmi lesquels on retrouve Lady Envy et Spite, deux sœurs sorcières rivales, ainsi que leur père Dragnipur ? Sans parler de Karsa Orlong et de sa compagne de voyage, l’ingénieure Samar Dev. Et si ce n’était pas déjà assez complexe, les Tiste Andii subissent une crise interne, matérialisés par un groupe dirigé par Nimander, même si leur seigneur ultime, Anomander Rake, se révèle plus que jamais.
Ainsi donc, même en abandonnant les trois quarts des personnages connus, il y a suffisamment de personnages pour qu’un entremêlement d’intrigues se produisent ! D’où le plus lent démarrage de ce tome par rapport aux deux précédents, mais la lecture vaut la récompense. Des vétérans retraités, des assassins motivés, des rivalités amoureuses, complots et duels mortels, politique entremêlée de religion, par-dessus lesquels interfèrent des divinités et des mages prêts à modifier les lieux de leur simple pouvoir… Ce tome est riche et savoureux, comme les autres finalement.
Outre ses nombreuses thématiques, Toll the Hounds atteint sa profondeur grâce à son écriture magistrale, tant sur son fond que sur sa forme. Steven Erikson s’applique à améliorer sa plume à chaque tome et n’hésite pas à enchaîner les tirades philosophiques, ici plus nombreuses que jamais. De surcroît, bien que l’intensité du roman atteigne son paroxysme lors de sa toute fin, une atmosphère mélancolique et intrigante est installée tout du long. Il en résulte une œuvre profonde en dépit de quelques irrégularités et de rebondissements parfois un peu trop dilués au sein de l’intrigue. Quelques figures importantes tombent mais, contrairement à d’autres tomes plus « meurtriers », l’auteur nous épargne un trop conséquent alignement de cadavres, peut-être pour préparer ses personnages à faire face aux derniers événements de la saga principale.
Mais nul besoin de batailles épiques en permanence ni d’affrontements sanglants, car Toll the Hounds excelle même dans ses périodes de « tranche de vie », dans ses séquences humoristiques détendant les lecteurs pour mieux les préparer aux drames qui s’ensuivent… Un très bon tome, comme toujours.