Un brillant non-récit de SF.
Ne commettez pas, comme moi, l'erreur de lire ce livre avant les deux romans qui le précèdent : "Lumière virtuelle" et "Idoru".
Ce livre est un de ces romans intrigants qu'on a envie de relire après les avoir terminés. La narration suit les traces de plusieurs personnages : Chevette, une ancienne résidente du Golden Gate de San Francisco (qui est devenu une sorte de cité-squat pour les rejetés) ; Rydell, un ancien flic qui va recevoir une mission d'un hacker de génie, Colin Laney ; Laney, qui vit dans un carton du métro de Tokyo mais observe internet et croit y avoir décelé les indices d'un cataclysme imminent ; Silencio, un jeune simplet qui devient un passionné des montres et un prodige naturel du hacking ; Konrad, un tueur qui suit la voie du Tao. Le méchant est un multimilliardaire nommé Cody Harwood, partisan des nanotechnologies, mais sa présence est épisodique.
La trame narrative est déroutante. Il y a beaucoup d'action, mais les tenants et les aboutissants sont encore bien moins clairs que dans "Neuromancien", et je suis sûr qu'une 2e lecture est indispensable. Il n'en reste pas moins que le livre a d'indéniables qualités :
- Toujours ce style foncièrement littéraire de Gibson. Peu de gens peuvent se mesurer à lui en terme de réalisme urbain. Pourtant le trait n'est pas appuyé, et je répugne à utiliser le terme d"efficace", car cette écriture laisse aussi la place à une forme de poésie très décalée. Seul Gibson peut vous faire vibrer avec du goudron ou des cartons.
- Si le récit est tout sauf clair, l'univers est très cohérent et ne présente finalement que peu de différences avec le nôtre : nanotechnologie, hologrammes virtuels de compagnie, lunettes-télévisionneuses, mais l'ensemble fait assez cheap, à hauteur humaine. Le décor du Golden Gate est un personnage central du récit. De même, Gibson évite la carte d'une noirceur trop forcée. Des problèmes sont dénoncés, mais sans tomber dans la caricature. La violence en revanche est plus stéréotypée que dans "Neuromancien". Le personnage de Konrad fait d'ailleurs inévitablement penser à un méchant de manga. Mais bizarrement, je n'y trouve pas à redire.
Si vous sortirez probablement de ce livre assez perplexe, il y a tout de même de fortes chances que vous soyez touché par son sens de la nuance et son atmosphère particulière