Dans tous les sens
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Ce premier volume de Topor voyageur du livre rassemble la plupart des illustrations que Topor a produites pour d’autres auteurs entre 1960 et 1980. Les préfaces de Philippe Garnier (« Une fraternité de l’inconscient ») et d’Alexandre Devaux (« Illustrateur de livre, artiste de la survie »), sans être indispensables, sont d’une concision exemplaire, suffisamment riches pour proposer des pistes au lecteur qui ignorerait tout de Topor (« il suffit à Topor de comprendre par où l’écrivain, lui aussi, touche au corps. Texte et dessin fraternisent autour des organes dérangés », p. 8) en même temps que d’intéressantes remarques, plus générales, à propos de l’activité d’illustrateur et de ses implications : « Il est facile d’accuser un illustrateur de brider l’imagination du lecteur. […] Avec Topor, cette accusation ne tient pas » (p. 10). Ces remarques sont aussi suffisamment brèves pour donner envie d’en venir dans la foulée au cœur de l’ouvrage.
Présentées par ordre chronologique, elles sont représentatives du caractère touche-à-tout de Topor illustrateur. (D’ailleurs, on peut regretter que Topor, voyageur du livre ne situe jamais, même succinctement, les textes avec lesquels les illustrations entrent en résonance.) Quand on a fréquenté Topor écrivain, on l’imagine plutôt tourné du côté de l’humour noir : Kafka (Joko fête son anniversaire), Kubin (Portrait en pied de Suzanne), Carroll (la Princesse Angine)… Or, si on trouve en effet des illustrations pour Gogol (naturellement le Nez), Fénéon (les Nouvelles en trois lignes) ou, ce qui n’est pas si étonnant, Marcel Aymé (mais pas « L’homme à la cervelle d’or »), il y a aussi des rencontres moins attendues avec Durrell, Synge ou Tolstoï.
Quoi qu’il en soit, et l’ouvrage le montre, il y a une patte Topor. Certains dessins ont beau être moins convaincants que d’autres, et leurs supports variés – du frontispice en noir et blanc à la planche très grand format en couleur –, leur unité saute aux yeux. Elle vient d’un « style » qui « impose un éloignement à notre perception », de « personnages […] résolument anachroniques », de « la maladresse même du trait [qui] voudrait évoquer quelque chose de l’enfance » (p. 17).
Surtout, prise indépendamment, chaque illustration de Topor est le point de départ potentiel de plus d’une histoire. Ce n’est pas un gage intrinsèque de qualité – cf. les toiles de Hopper –, mais c’est toujours intéressant.
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Créée
le 19 oct. 2018
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