Après Écouter le noir et Regarder le noir, voici le troisième recueil de nouvelles dirigé par l'excellent Yvan Fauth, dans la très belle série consacrée aux cinq sens.
Les dix nouvelles rassemblées ici forment un ensemble incroyablement homogène, tout en proposant chacune une vision singulière, à la fois différente des autres et représentative de l'univers de leurs auteurs.


Ce qui est amusant de prime abord, c'est de chercher comment chaque écrivain a entrepris d'honorer le sujet du recueil. Certains se sont efforcés d'intégrer l'expression "toucher le noir" dans leur texte, d'autres ont pris le thème imposé au pied de la lettre, d'autres encore ont davantage travaillé de manière métaphorique.
Aucune méthode n'est moins bonne que les autres, et au bout du compte, tous les textes ont leur propre intérêt, leur propre intelligence et leur propre force.


Après, chaque lecteur aura bien sûr ses préférés, en fonction de ses affinités ou de la surprise cueillie à chaque nouveau texte.
Si je devais en élire un en particulier, ce serait celui de Michaël Mention, dont j'admire la capacité à se renouveler sans cesse, à prendre des risques et à inventer des formes neuves, faisant de chacun de ses écrits un nouveau défi.
Sa nouvelle, "No smoking", est la plus longue du recueil. C'est aussi la plus ambitieuse, la plus riche, la plus foisonnante en surprises et en retournements de situation. Jusqu'à la dernière ligne, Mention m'a tenu en haleine et totalement bluffé.


J'ai beaucoup aimé également "Zeru Zeru", le texte de Maud Mayeras qui, fidèle à ses habitudes, conjugue noirceur absolue et empathie extrême, dans une histoire tragique, qui fend le cœur et bouleverse au plus profond de l'âme.
De manière assez similaire, Solène Bakowski réussit avec "L'Ange de la vallée" une nouvelle déchirante, bizarrement lumineuse et révoltante.
Dans un genre plus ludique, bravo au duo Franck Thilliez & Laurent Scalese, qui signent avec "8118" le premier texte en auto-reverse - je vous laisse découvrir de quoi il s'agit ! En tout cas, c'est très réussi et loin d'être un gadget, tout en déroulant un propos pertinent sur le marché sordide des armes à feu.


Pour le reste, Valentin Musso (sans doute le plus "dans le thème", avec son histoire se déroulant dans un restaurant où l'on mange dans le noir complet), Benoît Philippon (formidable texte sur les dérives de l'art contemporain), Eric Cherrière (périple jusqu'au-boutiste sur les traces d'un assassin), Danielle Thiery (cruelle histoire de rivalité musicale), Ghislain Gilberti (sanglante escapade dans l'infra-monde horrifique caché dans les ténèbres de notre monde) et Jacques Saussey (cruelle variation prisonnière entre Les évadés et La Ligne verte) sont tous à la hauteur du projet.


Certains de ces textes me hanteront longtemps, preuve que quelques pages suffisent à marquer l'imaginaire. Une nouvelle réussie est un petit monde qui a autant de force et de légitimité littéraire (plus, parfois) qu'un long roman.
Les auteurs de Toucher le noir l'ont bien compris et rendent, tous ensemble, un merveilleux hommage à la forme brève. Un formidable accomplissement, à partager sans réserve.

ElliottSyndrome
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le 2 juin 2021

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ElliottSyndrome

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