Un voyage saisissant, exigeant, poétique, rude, éprouvant....
Figure littéraire impressionnante, Claro n'a pas peur des projets d'envergure. Traducteur de William T. Vollmann, Salman Rushdie, Hubert Selby Jr ou encore Thomas Pynchon, il codirige également la collection Lot 49 au Cherche Midi. Autant dire que l'homme n'est pas une pâle figure littéraire sans envergure. Ses romans sont de véritables mondes dans lesquels on ne pénètre pas par hasard : il faut l'avoir choisi.
J'avais d'ailleurs écourté mon séjour en Cosmoz, il y a deux ans, malgré un sujet passionnant (les personnages du Magicien d'Oz se retrouvaient projetés dans le vingtième siècle et le traversaient de long en large, de guerre en révolution, de misères en richesses). Mais pourquoi diable avoir laissé tomber, me direz-vous ! Et bien parce que Claro est un monstre littéraire qui n'hésite pas à vous perdre au détour d'une phrase inimaginable ou d'une scène incompréhensible.
N'allez pas croire que c'est un piètre écrivain, au contraire. Et c'est même là le problème : Claro écrit trop bien. Proposer au lecteur une phrase que le commun des mortels aurait pu écrire n'est pas dans ses objectifs. Il se vautre en revanche sans hésiter dans la surenchère de vocabulaire soutenu et de syntaxe poétique au possible. Mais attention, pas de la poésie pour fillettes. Non, de la poésie pour mâles. De la poésie puissante et parfois violente.
Et il faut s'accrocher. Il faut avoir envie de continuer l'aventure, de poursuivre la lecture.
Propulsé dans le siècle du LSD et de la guerre Froide après avoir mangé un morceau de pain pendant l'été 1951 à Pont-Saint-Esprit, Antoine, un jeune mitron, va découvrir un monde où l'improbable est réel et le réel improbable, et entamer un chaotique et convulsif voyage au terme duquel il échouera dans un Paris post-68. Là, il rencontrera Lucy Diamond, une ex-junkie américaine, liée malgré elle à la CIA.
Sexe, drogue et rock'n'roll sont au programme de ce thriller psychédélique au déroulement et au dénouement plus que surprenants.
Lire Claro n'est pas de tout repos. J'ai dû admettre que je ne comprendrais pas tout, que je serais incapable d'écrire pareilles phrases (de toute beauté ? ampoulées ?), que je devrais faire face à la puissance verbale de celles-ci et que j'irais au bout malgré tout. Et je ne regrette pas. Je ne le considère toutefois pas comme le roman de la rentrée, mais ce fut une expérience de lecture inhabituelle pour moi. J'en suis arrivé à la conclusion que lire Claro c'est exigeant, magnifique et éprouvant. Le troisième adjectif et le fait que l'intrigue soit originale mais pas transcendante à mon goût, explique la note 7/10 après tant de compliments. Je ressors de cette lecture lessivé et n'enchainerais pas deux de ses livres, mais je retenterais peut-être Cosmoz un jour.