Madeleine au citron

Recette pour 1 personne : prenez 1 chou chinois, 3 poignées de fraises, 2 beaux atriaux et une cuillère à café rase de cannelle…
Et démerdez-vous pour pondre quelque chose de mangeable avec tout ça.

Si je devais trouver quelqu’un afin de réaliser ce plat, ce serait bien vers Elan Mastai que je me pencherais. Car ce jeune auteur canadien, connu plutôt pour ses scénarios au cinéma, a réalisé un tour de force pour son premier roman : écrire de la SF mêlant de l’humour frisant le burlesque et du tragique homérique, tout en nous faisant bien réfléchir sur notre avenir et sur notre identité, sans un instant devenir ennuyeux. Cet écrit a un nom : “Tous nos contretemps”, traduit et publié chez Bragelonne et sortant en librairie le 20 septembre ! Et - merci bien Bragelonne - j’ai déjà eu la chance de pouvoir le lire !

Mais qu’est-ce donc que ce bouquin ?
Tout d’abord une histoire de voyage dans le temps… Rhalala, me direz-vous. Non ? Existe-t-il un thème plus usé que celui-ci, en science-fiction ? Bah sûrement pas. Alors c’est sûr que “Tous nos contretemps” ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices… Et ce n’est pas la lecture de son résumé qui vous convaincra du contraire (comment récapituler un livre pareil, d’ailleurs ? Exercice compliqué s’il en fallait).
En effet, le classer uniquement dans cette catégorie “livre-de-voyage-dans-le-temps” ne pourrait que porter préjudice à l’ouvrage, tant il se défait du genre, l’aborde avec un angle intéressant et multiple et tant il apporte, outre une histoire délicieusement fraîche et divertissante, une réflexion fouillée et intelligente.
En effet, comme King il y a quelques années avec 22.11.63, le voyage temporel se drape de maintes facettes, dont les histoires d’amour et la multiplicité de “notre” réalité. Illustration parfaite, s’il en fallait, de l’effet papillon.
Plus rigoureux que Stephen King sur les notions scientifiques, moins froid et clinique que ne le serait un Frank Herbert abordant la question, Mastai fouille le sujet, jongle magnifiquement avec le vocabulaire technique sans en alourdir le texte, arrive à mêler avec brio humour et émotions. Voilà ce qui rend ces lignes si attractives et fraîches à la lecture.

Si toutefois j’avais un bémol à annoncer quant à cet ouvrage, il s’agirait peut-être des chapitres “résumé”. En effet, le premier prend tout son sens car il arrive après un bon nombre de pages et parvient en quelques lignes à rappeler au lecteur l’ensemble du début du livre, particulièrement dense. Il apporte également un effet de surprise presque humoristique et décalé, à l’instar des passages voix-off des “8 Salopards” de Tarantino pour les cinéphiles. Je comprends moins l’intérêt des suivants, qui peuvent facilement être rabotés de la lecture… Ils n’empiètent toutefois pas sur le plaisir de dévorer ce bouquin, dont les 440 pages fondent comme neige au soleil.

Alors n’hésitez pas à vous offrir “Tous nos contretemps” et à vous en faire votre propre avis, c’est un réel plaisir de lire un bon bouquin de SF moderne !

Je ne crois pas en la vérité. Je suis un scientifique. Je crois aux
questions et à la meilleure réponse présentement à notre disposition.

L’optimisme est le bûcher sur lequel nous nous sommes nous-mêmes
immolés.

Elan Mastai