Toussaint Louverture. Un nom qui évoque à celui qui le prononce le respect des saints et l’horizon des possibles. Le nom de l’esclave devenu gouverneur, qui défia l’empire français.

Toussaint Louverture est né Toussaint Bréda aux environs de 1743, à Saint-Domingue, l’actuelle Haïti. Fils d’esclave, il sera affranchit, et deviendra l’acteur majeur de l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue. Mort en 1803, il ne verra jamais la proclamation de l’indépendance de son île par son lieutenant Dessalines, bien qu’il en soit l’investigateur principal. Son acte de rédaction d’une Constitution pour Saint-Domingue entraînera son arrestation par les forces napoléoniennes qui y virent le pas de trop vers l’indépendance.

Il y a quelque temps, France Télévision consacrait une série au destin de cet homme hors du commun, qui réussit à renverser le système colonial de Saint-Domingue, et à inquiéter Napoléon Bonaparte. Preuve que l’histoire de l’actuelle Haïti n’est pas complètement sortie de nos mémoires, à une époque où l’île se relève difficilement des diverses secousses, tant sismiques que politiques, qui l’ont traversées.

Alain Foix signe ici un livre passionnant, sur les pas de celui qu’enfant malingre on surnommait « fatras bâton ». Il est rare d’ailleurs qu’une biographie soit maîtrisée avec un tel talent littéraire. S’échappant du carcan de la chronologie linéaire, ce texte nous entraîne de Fort de Joux où Toussaint Louverture fut enfermé jusqu’à en mourir de froid, dans l’humidité d’un cachot, aux rives chaudes de Saint-Domingue, où il mena une guerre sans merci ni relâche aux opposants de la liberté pour les Noirs.

Toussaint Louverture n’était pas un idéaliste, un rêveur. De fait il ne fut pas considéré comme une figure romantique de la liberté, comme un Che Guevara ou un Ghandi. C’était un homme rationnel, sérieux. Un homme du concret, et de la loi. Controversé dans ses rangs et dans l’histoire, lui qui, après son affranchissement, avait été propriétaire d’esclaves, autorise les colons à reprendre en main l’organisation des plantations sur l’île. Alors que beaucoup de ses lieutenants plus radicaux prônaient un pouvoir noir, et au premier rang desquels son neveu Moïse, lui concevait une réhabilitation rapide du commerce et de l’agriculture, pour l’enrichissement de l’île et de ses habitants, mais aussi pour leur indépendance, pour laquelle le retour des colons était indispensable. Intransigeant, Toussaint fera exécuter les désobéissant, de quelques origines qu’ils soient…Pris au piège de sa propre loi et de son intégrité face à elle, il sera contraint d’exécuter l’insolent Moïse, acte pour lequel il concevra un chagrin et un remord profond. Acte fondateur aussi de son rôle politique et de l’impartialité qu’il tenait à afficher devant tous.

Toussaint Louverture restera une figure d’indépendance et de force. On ne connaît que très peu de portraits de lui, et le peu que nous en avons n’en rendent pas des traits identiques. Il reste de fait autour de lui comme une certaine aura de légende.

Toussaint ne croyait pas tant en lui-même qu’en la force d’un mouvement. Son sacrifice n’était pas vain, mais la première pierre d’un chemin qu’il savait mener à la liberté. Nous conclurons sur cette célèbre citation : «En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses ».
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le 4 juin 2013

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