Torture et morbide sont les maitres mots de ce roman au style épileptique. Un fond noir pour un style tailladé. Je n'ai pas de mal à dire qu'il s'agit d'un bon rom-pol horrifique qui prend les tripes. Néanmoins j'avoue que la forme jongle avec une écriture ampoulée. Faut-dire que décrire une horreur telle qu'il en est question ici est un exercice difficile si l'on ne veut pas tomber dans le pompeux et la lourdeur. J'excuse cependant cette maladresse à Franck car je ne suis qu'une humble lectrice et aussi parce qu'après ce premier roman, le nordique se rattrape avec un magnifique deuxième épisode sur Franck Sharko.
Il y a trois ans j'ai fait "l'erreur" de rencontrer l'oeuvre de Franck Thilliez par le biais de son troisième roman et non son premier, c'est-à-dire Deuils de miel (ma critique). J'ai été littéralement et littérairement conquise par cet ouvrage noir et gorgé de profondeur au point de lui donner un 10/10, ce qui est rare dans ma collection. J'ai logiquement voulu lire les autres romans de cet auteur français après avoir appris que je venais de m'engager dans une série policière menée par le personnage de Franck Sharko. J'ai repris dans l'ordre et me voici, tout juste sortie (indemne) de la lecture de Train d'enfer pour Ange Rouge.
Sans considérer le très bon Deuils de miel au titre enivrant, je pense sincèrement que Train d'enfer pour Ange Rouge mérite d'être lu. On commence dans l'intimité du commissaire Sharko, un quinqua aux poings agressifs. Il est faiblard, il est peiné par un drame familial : la disparition de sa propre femme. Mais tout cela n'est qu'un contexte, une mise en situation qui sert de décor à l'horrible enquête qu'on va confier à Franck Sharko et ses collègues. La première scène de crime accompagnée de son autopsie est la première entrée en matière en termes d'horreur. J'avoue avoir grimacé en lisant ces descriptions glauques de précision. C'est une façon pour l'auteur de sélectionner son lectorat : si vous tenez toujours le livre après avoir lu ces affreuses pages, c'est que vous lirez jusqu'au bout.
Parce qu'en effet, l'horreur ne s'arrête pas là. En fait elle est de plus en plus présente et oppressante à travers les chapitres jusqu'à atteindre un sommet de dégoût qui est censé nous faire fléchir. Je fais parti du lectorat récepteur dont le coeur à flanché dans les dernières pages. Pourtant je tiens à dénoncer le fait que ce trop plein de description dégueulasse à tuer l'effet d’écœurement au point de me rendre impassible à certaines descriptions dans le dernier quart du roman. A force de redondance je lisais sans plus tout à fait accrocher aux mots.
Je me suis presque lassée de lire à nouveau la douleur et la difficulté qu'éprouve Franck sur l'enquête qui le concerne de près parce que MERDE ce n'est pas lui qui subit la torture répétée... !
Une certaine incohérence du personnage rend également ce roman un peu moins intéressant : tantôt Franck Sharko est un boxeur, un flic bagarreur qui obtient des réponses à la lueur de ses poings ; tantôt c'est un coeur fragile et dépassé qui oubli un temps sa femme alors que vingt pages plus loin elle lui manque plus que tout. Je comprends que donner au commissaire un peu d'humanité est louable pourvu que ce soit en harmonie avec son tempérament. Pourquoi en faire un super héros par moment alors qu'il est un homme ordinaire et impuissant la plupart du temps ?
Une bonne chose que je souligne c'est la double intrigue que tisse l'auteur avec réussite. J'ai su sentir quelques coups venir mais je n'ai pas su deviner les événements des trente dernières pages que j'ai dévoré à toute vitesse.
En parlant du dénouement... sans spoiler je dirais qu'il est bien facile. Franck Thilliez s’en-sort avec une pirouette digne d'un métrage animé. Mais malgré une fin sèche, l'auteur s'assure qu'on le suive en laissant planer un mystère indéchiffrable dans un épilogue douteux.
Je dis bonne lecture aux petits nouveaux, moi je m'en vais lire La Chambre des morts.