Kenji Miyazawa a beau de ne pas être très connu en occident, cet écrivain des débuts du vingtième siècle a laissé de nombreuses traces dans la mémoire des Japonais. Sa personnalité exceptionnelle, son écriture fantaisiste et sa redécouverte post-mortem ont contribué à sa postérité en tant que grand classique parmi les premiers modernes de la littérature japonaise. Le train de nuit dans la voie lactée s’inscrit comme l’un de ses récits les plus emblématiques (90aine de pages).
L’histoire en elle-même est très originale et nous raconte comment deux enfants se retrouvent soudainement à l’intérieur d’un train qui parcourt les différentes constellations. Plongés dans les étoiles, leur voyage s’exprime tout en fantaisie et le surréalisme domine les paysages. Mais pourquoi cette mélancolie ?
Le train de nuit dans la voie lactée a beau avoir les apparences d’un conte pour enfant, le coeur de l’oeuvre masque une réalité très crue et jongle avec des thèmes sérieux. De ce point de vue, Miyazawa réussit avec talent à évoquer un environnement à la fois brillant et lugubre, tout en semant le doute auprès du lecteur concernant la face cachée de son aventure.
Une relecture du livre s’avère nécessaire à la fois pour redécouvrir sa vraie nature et appréhender ses messages plus en profondeur. Comprendre le train de nuit de la voie lactée, c’est aussi apprendre à connaître l’auteur tant l’oeuvre se mêle à l’homme, que ce soit au niveau de sa personnalité ou de son idéologie. Les noms européens pour les deux personnages, Campanella et Giovanni, renvoient à son ouverture au monde. Le passage à l’imprimerie, son expérience personnelle. Ses évocations d’éléments archéologiques, de la Symphonie du Nouveau Monde, des événements du Titanic, tous renvoient à la culture de cet homme pourtant provincial. Son histoire du scorpion, elle, nous expose à la fois son mysticisme et ses idéaux à travers l’une des questions centrales du livre: qu’est-ce que le bonheur ? Ces différents exemples illustrent de toute la richesse contenue en si peu de pages et nous forcent à regarder au-delà de son inhérente poésie.
Autre aspect du livre qui m’a marqué: la personnalité de Giovanni et sa relation délicate avec son meilleur ami. Campanella, entre arbre et écorce, et Giovanni, à la fois enfant délicat et tourmenté par sa jalousie.
Le train de nuit dans la voie lactée a suffisamment marqué les esprits pour qu’un film lui soit dédié. Les inspirations postérieures sont d’ailleurs multiples : que ce soit Galaxy Express 999, qui est autant une série qu’une dédicace, ou d’autres clins d’oeil comme dans la série Mawaru-Penguindrum ou Aria.
Lire le train de nuit dans la voie lactée est bonne expérience pour plusieurs raisons : l’histoire en elle-même est captivante, ses différents niveaux de lecture sont intéressants, et enfin son influence culturelle nous permet d’aborder tout un pan de l’imaginaire nippon.
Note: ma lecture se base sur la version et traduction d'Hélène Morita. Cette édition contient deux autres histoires : "Matasaburo" et "Gauche le violoncelliste", qui est un classique aussi dans le genre conte pour enfant (il y a un film d'animation dessus)
, ainsi que quelques notes pour aider à comprendre plus en profondeur les récits, très utiles pour Le train de la voie lactée.