Voici une intéressante compilation, qui illustre bien ce que le mot amateurisme peut avoir de positif : on retrouve dans ces Trains de cauchemar un peu de cet esprit fanzine auquel ce qu’on considérait alors comme de la sous-littérature pouvait donner lieu dans les années 1980. Le recueil regroupe une vingtaine de textes en français, publiés entre les années 1860 et 1914, qui tournent autour du thème du chemin de fer. Chacun est accompagné d’un commentaire de Philippe Gontier, et brève biographie de son auteur. Il s’agit principalement de fictions, mais on trouve aussi quelques articles de presse qui les contextualisent.
De fait, l’idée directrice du volume est celle-ci : de son invention jusqu’à la Première Guerre mondiale, le train est considéré par une partie de l’opinion comme une machinerie dangereuse, voire infernale. À ce titre il donne lieu à bien des fantasmes (accidents, crimes, coups de folie du conducteur), sur lesquels voguent les textes compilés, avec plus ou moins d’insistance, un talent plus ou moins grand et un sens de la récupération plus ou moins aigu.
Car comme souvent dans des ouvrages de ce genre, la qualité des textes est plus ou moins variable. (Le sous titre indique « anthologie », je préfère parler de compilation.) En-dehors des deux vedettes de l’enseignement Maupassant (deux contes) et Zola (des extraits de l’inévitable Bête humaine), on trouve des productions de ces petits maîtres – là encore au sens mélioratif du terme – que chérissent les amateurs de littérature fin-de-siècle : Maurice Rollinat, Marcel Schwob, Maurice Renard, Jean Lorrain…
Le motif du chemin de fer n’empêche pas qu’apparaisse l’identité stylistique et thématique de ceux-là – c’est particulièrement marquant pour Lorrain. Le reste laisse intacte l’idée que si Paul Hervieu, Jean Jaubert ou Pierre Vernon / Vernou n’appartiennent plus aujourd’hui qu’à l’histoire de la littérature, c’est qu’il y a une raison.


Pour les amateurs de listes, l’ensemble des textes de fiction présentés dans Trains de cauchemar : Jules Claretie (chapitre 12 du Train 17), Maurice Rollinat (« Le Tunnel »), Maupassant (extraits de « Notes d’un voyageur » et de « La Peur » de 1884), Paul Hervieu (« Le Chemin de fer à cran »), Émile Zola (La Bête humaine, extraits), Jean Lorrain (« La Main gantée » et « L’un d’eux »), Rémy Saint-Maurice (« L’Express 13 »), Paul-Hubert (« Un drame dans la nuit »), Georges Rouvray (« Un train emballé »), Maurice Level (« Le Rapide de 10 h. 50 » et « Le Crime de la rue Pergolèse »), Pierre Vernon (« Un arrêt dans la nuit »), Pierre Vernou (« Le Rapide de 7 h. 20 »), Alfred de Sauvenière (« L’Inexpliqué »), Schwob (« Le Train 081 » et « L’Homme voilé »), Maurice Renard (« Le Rail sanglant »), Michel Jules Verne (« Un express de l’avenir »), Louis Mullem (« L’“Express-Times” ») et Jean Jaubert (« Le Tunnel de Gibraltar »).

Alcofribas
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le 31 juil. 2018

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