Marina Abramović a écrit ses mémoires, et donc je me rue dessus. Je passe vite sur les quelques défauts qui ne feront pas de cette autobiographie un chef-d'oeuvre, mais la consignation simple, franche et honnête de ce qu'a été la vie artistique et personnelle de l'artiste. Ça n'est pas très bien écrit, c'est même parfois un peu avare côté style, Marina Abramović déroule le fil de sa vie, avec beaucoup de sobriété et d'humilité, sans aucune volonté de se rendre plus mystérieuse que ce qu'on en dit.
Portée aux nues depuis sa rétrospective au MOMA, rock-star de l'art contemporain, amie de Lady Gaga ou encore ponctuellement directrice artistique chez Givenchy, elle est une figure médiatique qui fascine le grand public, charriant avec elle son lot de mystifications.
Très loin de sa renommée actuelle, Traverser les murs raconte la fille de partisans communistes qu'elle était et l'artiste sans concession qu'elle est devenue. Comment son enfance sans amour l'a construite, son cheminement vers la performance, sa rencontre avec Ulay et leur collaboration de treize ans, ses chagrins d'amour, ses retraites en Inde et au Brésil, sa boulimie de travail et les contraintes qu'elle s'oblige pour ses performances.
Parfois, je me suis dit qu'elle ne développait pas assez les explications autour de son oeuvre, qu'elle consignait à toute vitesse les centaines d'extraordinaires moments qu'elle a vécu. Il y en a tellement... Marina Abramović a une vie extraordinaire et inspirante, Traverser les murs est une quête spirituelle et ésotérique pour transcender la douleur (physique et morale), se confronter à ses émotions les plus pénibles, atteindre la connaissance liquide, l'autre état, se confronter aux obstacles insensés que la plupart d'entre nous ne songe même pas à percuter. Marina est brute, sincère, exempts d'excuses, de honte ou de remords sur ce qu'elle est. Elle vous parlera de ses avortements et de son gros nez (et gros cul), aussi bien que de ses expériences spirituelles au Tibet et dans le désert australien. J'avais peur qu'elle m'agace, j'ai encore plus de respect pour cette belle personne.