Marie NDiaye a vraiment l’art de la construction narrative dans la peau.Et celui-ci s’affirme encore plus lorsque l’écrivain s’autorise à complexifier ses sujets d’étude.Ses trois portraits de femmes sont d’ailleurs ( Norah, Fanta et Khady Demba) truffés d’évocations particulières pour éviter l’exposition basique. Pour commencer,Norah , quasiment double semi -autobiographique de Marie NDiaye, dans le fait qu’elle ait très peu vu son père dans sa vie, se retrouve au Sénégal pour découvrir que son frère Sonny, se retrouve emprisonné pour couvrir le meurtre de son propre père sur une femme qu’ils ont partagé sous le même toit. Son courage sera de sauver cette situation périlleuse. Pour ce qui est de Fanta, l’affaire est différente puisqu’elle a fait le chemin inverse, du Sénégal vers la France.Tout cela, on l’apprend de son mari Rudy, narrateur de son histoire où la jeune femme souffre dans son ménage avec lui.En effet,Fanta, est cette femme assumant la charge éducative de son fils Djibril, depuis que son mari n’arrive pas à se relever de sa suspension de son poste de professeur de littérature à Dara Salam quelques années auparavant. Celui-ci végétant dans un poste de vendeur de cuisine pour lequel il n’a ni qualification ni le moindre intérêt.Fanta est volontairement mis en retrait de l’histoire car son mari ne veut pas voir en face qu’il a une femme pleine de ressources, qui s’est mieux habitué à leur nouvelle vie en France. Dans le troisième récit, on retrouve Khady Demba ( mentionnée dans l’histoire de Norah comme la nounou des enfants de Sonny) . A un moment charnière de sa vie, la jeune femme de vingt-cinq ans voulant quitter l’Afrique pour rejoindre l’Europe. Malheureusement, des mauvaises rencontres la poussent entre les mains de passeurs sans scrupules, dans une filière de prostitution et elle finira trés mal pour accomplir sa volonté farouche d’exil. Norah,Fanta et Khady Demba auront trinqué sans jamais fléchir, chacune à leur manière, mais sont des femmes puissantes malgré tout.Ce qui laisse aussi pantois,c’est la façon dont les récits interagissent même s’ils sont bien distincts.Entre celui de Norah et celui de Fanta, le Sénégal passe de terre de retour au pays d’origine à terre d’exil. Entre celui de Fanta et celui de Khady Demba, l’oiseau passe de mauvais présage ( il blesse Rudy pendant un trajet en voiture.L’homme le prend comme une punition) à l’incarnation que Khady se choisit dans un dernier soupir.Entre le récit de Norah et celui de Fanta, on présume une cessation d’activité d’hôtel de loisirs dû à un meurtre crapuleux. Le père de Norah étant le coupable et le beau-père de Rudy la victime. Cet agencement en puzzles est véritablement fascinant et prouve une maîtrise incroyable des outils narratifs de l’écrivain ( Marie NDiaye fut publiée pour la première fois en 1985, ce qui montre l’étendue de son expérience en littérature). Ce roman pluriel couronné par le Goncourt, constituant également l’aboutissement mérité de sa carrière.Véritablement complexe, Trois femmes puissantes, ne laisse vraiment pas indifférent et interroge sur la façon de livrer une histoire. A vous de voir.