Ubik
7.9
Ubik

livre de Philip K. Dick (1969)

L’ennui des livres adulés, des bouquins qui ne recueillent que des avis véhémentement positifs, c’est qu’on en attend plus encore que des autres. Pour peu qu’on ne les trouve pas tout à fait à la hauteur, ils semblent vite pire qu’ils ne le sont vraiment. C’est peut-être l’effet qui a été à l’œuvre sur toute la première partie – à laquelle je n’arrive décidément pas à trouver des qualités dignes de ce nom.

Les cent premières pages mettent en place un univers futuriste où les morts disposent encore d’une « semi-vie » temporaire et où télépathes et « précogs » (des sortes de devins) sont monnaie courante et font face à des personnes dont la capacité leur permet d’annuler les premiers pouvoirs. La narration suit ces derniers, en tant qu’experts pour une société de neutralisation des télépathes et précogs.
Cette longue introduction ouvre tout un tas de questions qui resteront sans réponse, puisque les deux cents pages suivantes n’exploitent qu’à moitié (et encore) l’univers ainsi mis en place, pour la bonne raison qu’elles le déplacent sur d’autres terrains. Nettement mieux exploités, eux.

Philip K. Dick impose aussi, particulièrement pendant cette première centaine puis plus parcimonieusement par la suite, tout un vocabulaire scientifico-futuriste qui nuit à l’univers plus qu’il ne lui donne de l’ampleur. Les mots tombent souvent comme des cheveux sur la soupe, semblant par moments n’être présents que pour prétendre donner du corps à la science-fiction. Certaines phrases se révèlent même peu compréhensibles au premier abord. Bref, la sensation de futur est créée artificiellement – ce qui est d’autant plus décevant que le monde en tant que tel pourrait se suffire à lui-même, avec ses portes qui exigent cinq cents pour s’ouvrir.

Ce vocabulaire qui se pare de richesses qu’il n’a pas ne masque pas non plus l’absence de style. C’est un style blanc, comme n’importe quel roman de base peut en fournir, sans originalité, sans folie, sans figure de style, sans jamais de poésie. L’action prime, le support écrit n’est là que pour assurer le transfert de l’écrivain au lecteur. Seules les descriptions d’Ubik précédant chaque chapitre sont intéressantes pour former le monde du point de vue de la langue. Dans un livre qu’autant considèrent comme un chef-d’œuvre, une telle neutralité m’a surpris.

Enfin, les personnages m’ont semblé plats, désespérément plats, sculptés d’un bloc sans nuance, n’ayant qu’une caractéristique, voire même pas sculptés pour la plupart, des noms creux et insipides, des pancartes interchangeables. Ce qu’ils étaient censés être (quand ils étaient censés être quelque chose), je le lisais noir sur blanc sans le ressentir. Seul le personnage principal est un poil mieux esquissé – mais à peine.

Alors quoi, n’y a-t-il rien à garder ? Si. « Ubik » a ses (gros) défauts, mais ce qu’il fait bien, il le fait très bien. L’univers est en partie mal exploité, mais il est intéressant, et ce qui est bien exploité l’est superbement – même si ça reste bien trop à l’état de décor ; on aimerait ressentir l’univers comme un personnage à part entière. Les idées – Ubik et tout ce qui l’implique autour – sont très bonnes. L’intrigue, surtout, tient en haleine.

Je l’ai lu très vite, ce qui peut paraître contradictoire après avoir été aussi négatif dans les paragraphes précédents. Mais l’écriture, plate au demeurant, est fluide grâce à l’histoire qu’elle dépeint. Impossible de ne pas vouloir savoir qui, où, comment, pourquoi, à mesure que les mystères parallèles s’épaississent. Ubik se construit alors comme un thriller haletant dont on veut connaître le coupable et les raisons, un récit contre-la-montre qui parvient parfaitement à créer le suspense.

Et puis, bon, certaines questions trouvent d’excellentes réponses, et d’autres restent désespérément suspendues. Comme il s’agit parfois de mystères fondamentaux de l’intrigue, on se demande l’intérêt qu’il y avait à les soulever, si c’est quand même pour s’en foutre allègrement.

Ubik n’est pas mauvais : il fait un travail honnête, voire assez bon dans la deuxième partie. Mais un chef-d’œuvre immanquable ? Non. Absolument pas. Ses carences sont bien trop prégnantes.
Jeolen
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le 26 févr. 2015

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