J'ai 15 ans à la sortie de l'Affaire Harry Québert et je suis encore dans une période où je lis ce que l'on considère comme de la littérature jeunesse. À l'époque, en lisant ce roman, j'avais la naïveté de penser que je m'ouvrais avec ce livre qui me passionnait à tout le champ d'une littérature pour adultes, tant par la densité du livre que par son thème. Cela explique la relation particulière que j'entretiens avec cet auteur dont j'ai lu la plupart des livres.
Les romans de Joël Dicker se suivent et se ressemblent moins que les premières de couverture toutes hopperiennes le laissent penser.
Après plusieurs romans à suivre l'écrivain Marcus Goldman, Dicker nous emmène cette fois-ci dans une aventure chorale. Un animal sauvage met autant en scène le(s) criminel(s) que le(s) flic(s), au plus grand plaisir du lecteur.
Dans les grandes lignes, le livre nous présente deux couples séparés par leur classe sociale: les uns, dans leur taudis qui n'en est un qu'aux yeux de la bourgeoisie genevoise, vivent la disgrâce de la Verrue. Les autres, crème de la crème de cette ploutocratie locale, vivent un conte de fée à la Maison de Verre. Évidemment, les apparences sont trompeuses, et la morale pourra nous étonner lorsque les cartes sont redistribuées, maintes et maintes fois, dans ce faux conte contemporain.
On est happés par la puissance du dispositif qui joue de démultiplications: un stalker, une relation adultère, un tatouage, un braquage, tous cachent en eux leur double pernicieux qui est comme de la poudre aux yeux pour ceux qui refusent de voir en Gattino, littéralement "Chaton", la panthère qu'elle est réellement.
L'histoire nous happe, agréablement, si on se laisse porter malgré la monotonie de certains passages un peu plus longs. L'effet d'analepse est peut-être, parfois, un peu redondante. Mais pour ces images, le clair obscur, le voyage en Italie et cette nécessité de vivre furieusement, on lit ce livre avec plaisir.