Le bon vieux temps des colonies
Fin du XIXème siècle. Joseph Conrad rêve d'une vie d'aventures et part au Congo pour le compte d'une compagnie commerciale belge. Il y découvre les horreurs de la colonisation. C'est cette expérience marquante qui a donné cette nouvelle (ainsi que Au Cœur des ténèbres, écrit plus tard).
La cible est clairement désignée : la colonisation, sous prétexte d'apporter les lumières de la civilisation aux peuples sauvages, se contente de piller les réserves naturelles et de massacrer des peuples qu'elle se refuse à comprendre.
Deux hommes, réputés pour leur incompétence, sont envoyés dans une station perdue dans le but d'acheter de l'ivoire aux populations locales. Dès le début on sent le cynisme des dirigeants, qui maintiennent une station inutile dans le seul but d'y caser des gêneurs.
Les deux personnages principaux, qui ont grandi dans la société, ne savent absolument pas se débrouiller seuls face à la nature hostile. La narration est d'ailleurs dénuée de la moindre indulgence envers eux : ce sont des incompétents et des hypocrites. Ils condamnent la violence des "barbares" mais en acceptent les conséquences commerciales (au prix d'un bel exercice d'auto-aveuglement). Par leur méconnaissance de la région, de la nature et des peuples environnants, ils multiplient les catastrophes.
J'ai beaucoup aimé l'emploi de l'ironie, vraiment dévastatrice envers ces Dupont et Dupond de la colonisation. Et même si l'écriture n'a pas encore la puissance de celle des œuvres futures, ce court livre est passionnant.