Fermez les yeux et imaginez la forêt dense au coeur des Ardennes. Forêt aux allures primaires, si verte, baignant dans un air humide et frais comme un rempart de fortune, de bois, de feuilles, branches et troncs ne donnant aucune chance à l'horizon. Imaginez vous planté, bloqué dans un genre de cabane au sein d'un clairière. Imaginez vous attendre. Attendre quoi ? Attendre que la guerre montre son visage que nous sachions enfin à quoi elle ressemble. Des rumeurs annoncent une percée de l'ennemie par la Belgique. Par un de ces chemins boueux s'enfonçant dans l'ombre des feuillus, va venir l'assaut décisif sur le pays. Par là, le bruit des chaînes viendra peut-être ou, peut-être pas. Pour l'instant le silence. Julien Gracq m'a véritablement implanté un souvenir de cette forêt, des ces collines, de la Meuse, et de ces instants d'attentes, d'inquiétude qui sont la réalité de la vie d'un soldat. Soldat qu'il a été et ici il raconte son vécu. On peut faire un parallèle avec le désert des tartares de Dino Buzatti, à la différence, que par les Ardennes, les Allemands, eux sont bien arrivés, en chair et en os et que l'attente a pris fin dans un choc. J'avais encore jamais lu ce genre d'écriture, descriptive et à la fois si sensible. Je l'ai lu il y a bien 4 ans mais les images persistent ainsi que le souvenir de ce sentiment fait d'impatience, d'inquiétude, de peur et de beauté.