☞ une forme particulière
Le récit est atypique, puisque tout le roman n’est en fait qu’un long monologue, celui de Corrag dévoilant son histoire avec candeur, simplement entrecoupée par les quelques lettres que Charles Leslie envoie à son épouse. Cela peut déstabiliser au départ, voire être un peu longuet par moments.
Pourtant, tout est beau dans l’écriture de Susan Fletcher, et bien que le récit soit écrit en prose, l’aspect poétique n’est pas loin, tant le texte se rapproche d’une ode à la nature et à l’amour.
☞ le portrait d’une femme
Corrag raconte sa courte vie à un prêtre dont l’unique intérêt, au début du roman, est d’obtenir son témoignage sur un épisode particulièrement tragique, qui pourrait être utile à sa cause de jacobite.
La jeune fille se révèle alors petit à petit à cet homme de Dieu, lui contant quel fut son destin tragique, sa fuite perpétuelle loin des hommes qui lui jettent des pierres et de vilains mots, mais aussi son mode de vie en phase avec la nature. Émouvante dans sa manière de s’émerveiller de tout, elle sait soigner grâce aux plantes et vit de trois fois rien. Il en ressort le portrait d’une femme courageuse et altruiste, sans une once de méchanceté en elle, contrairement à ce dont on l’accuse.
☞ l’Ecosse en long, en large, en travers
Si Corrag se raconte au révérend, elle lui dresse également le portrait d’un pays, de sa géographie à son contexte historique délicat.
Les talents de conteuse de la jeune fille sont tels qu’on se croirait soi-même sur les hautes terres d’Ecosse. Elle rend compte à merveille de la nature omniprésente, à travers la description des lochs, des diverses plantes et cerfs sauvages dont elle croise la route. Plus encore, elle décrit à merveille les hommes qui peuplent ces terres : à l’image de paysages qui les entourent, les highlander sont rudes, mais aussi terriblement fiers, et hospitaliers.
Mais Corrag se fait aussi témoin de son époque. Car au XVIIe siècle, le roi Guillaume d’Orange détient le pouvoir en Ecosse, au désespoir des jacobites, qui lui résistent et souhaitent réhabiliter Jacques, l’héritier des Stuart, actuellement en exil. C’est dans cette bataille informelle pour le trône d’Angleterre qu’aura lieu le massacre de Glencoe, dont sera témoin Corrag.
☞ une belle leçon d’humanisme
On trouve au fil des pages un véritable réquisitoire à la tolérance et à l’acceptation des différences, et c’est sans aucun doute le personnage de Charles Leslie qui incarne le plus cet aspect.
Cet ecclésiastique irlandais a l’esprit étroit au départ, mais se dégèle peu à peu, tandis qu’il découvre l’histoire de la soi-disant sorcière. Les lettres qu’il écrit à son épouse représentent à merveille cette transformation : là où il n’était que conseils et prières, il finit par dire l’amour et la tolérance, bouleversé qu’il est par son empathie pour Corrag.
Au final, Un bûcher sous la neige est un récit totalement envoûtant, qui nous transporte hors du temps. De sa magnifique écriture, Susan Fletcher nous dépeint un pays à la fois beau et hostile, sur fonds de vieilles légendes et de querelles entre clans. Triste, mais pourtant rempli d’espoir, ce roman émouvant donne envie de se jeter sur l’oeuvre de l’auteure !
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