Honnêtement, il faut aimer les défis pour se lancer dans la lecture du Coup de Dés de Mallarmé. Ou alors y être obligé, ce qui fut mon cas durant mes études. Mais bon, l’obligation n’empêche pas la fascination et il faut bien avouer que cette prodigieuse et passionnante lecture m’a mis une gigantesque claque, tant ce poème était différent de tout ce que j’avais pu lire jusque-là !
Un Coup de Dés : 11 pages, 707 mots, 7 types de caractères d’imprimerie formant un texte dense dont il est ardu de trouver la clé, si tant est qu’une telle clé existe ! Passé le premier étonnement, on est frappé par l’esthétique de la mise en page : on perçoit bien vite que les mots sont disposés un peu à la manière d’une partition musicale, se déclinant en modes majeurs et mineurs, ponctués de silences que constitue tout l’espace blanc. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le poème gagne à être lu à haute voix, pour peu que la lecture soit modulée en fonction de la scansion induite par la typographie. Par endroits aussi, le poème se fait image, laissant deviner çà et là le creux d’une vague, la coque d’un navire, l’aile d’un oiseau…
Je suis loin d’avoir tout compris, c’est sûr. Lancer les dés, ou pas ? Comment faire autrement, d’ailleurs ? Mallarmé me semble illustrer à merveille la contingence dans laquelle se meut toute pensée humaine. Le grand œuvre du Poète et sa quête d’absolu ne peuvent que s’abîmer dans les flots, "hasard où tout retombe". Qu’il accepte de jouer ou non, le capitaine du navire n’échappera pas au naufrage et même s’il jetait les dés, le nombre qui résulterait de son entreprise, aussi parfait fût-il, resterait forcément le fruit du hasard. A moins que, peut-être, "aussi loin qu’un endroit fusionne avec au-delà", au Septentrion, existe une Constellation et "sur une surface vacante et supérieure", un "point dernier qui le sacre" ? Il subsisterait donc un espoir ? Allez, on parie ?