Un de Baumugnes
Giono, c’est un de Baumugnes. Un de ceux dont la langue a été coupée, gangrénée par une perception du monde, dont le teint diaphane n’est plus que le pâle reflet d’un imaginaire aux antiques couleurs...
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Giono, c’est un de Baumugnes. Un de ceux dont la langue a été coupée, gangrénée par une perception du monde, dont le teint diaphane n’est plus que le pâle reflet d’un imaginaire aux antiques couleurs évanescentes. A ce constat emplit d’amertume, Giono répond par la sublime mélodie de son harmonica, sa 5ème saison, hors du temps, celle des métaphores.
En découle une peinture chatoyante, vivante, d’une nature où l’on verra, l’eau d’un torrent nous enlacer, titiller nos poumons, le feu chasser frénétiquement la forêt, l’habitant, et le vent se gonfler, pour nous souffler son air impétueux. On se retrouve irrésistiblement happé, imprégné par la passion descriptive dévorante de Giono pour les coteaux, les hautes collines, les champs, les rivières qui l’environnent et bien sûr pour les arbres, ces hêtres surplombant l’homme comme s’il n’était encore qu’un impondérable nouveau né, presque étranger à ce monde.
Au milieu de cette nature portée en égérie s’enchevêtre harmonieusement une atmosphère humaine tempétueuse où les rancœurs, les passions les plus crues, se retrouvent confrontées à un environnement et des mœurs paysannes d’une tragique âpreté.
Ce sera ici l’histoire d’une passion amoureuse à vous crever le cœur, à vous tordre les entrailles quitte à vous arracher les mots de la bouche. Quelques vallons plus loin, on s’enivrera simplement d’être les spectateurs d’un modeste retour, du délicieux renouveau du cycle de la vie, d'un "Regain". Mais dans ces régions provençales, l’orage tonne toujours, quelque part. La lutte n’est jamais loin, on l’entend déjà lorgner ce lien fraternel aux accents divins, d’une terrible puissance ("Deux cavaliers de l'orage").
Giono ce sont des destins tragiques, des évènements chaotiques scrutant inlassablement les turpitudes du "Grand troupeau" humain. Ce sont aussi des mots lourds, gorgés de sens, laconiques, portés par des personnages qui fascinent. C’est un enchevêtrement d’émotions vitales nimbées de la douceur de la nuit, du feu de l’âtre, de la chaleur du soleil et de la satisfaction procuré par un travail acharné, le tout cerné, quand il est bien ouvert, par l’acuité d’un regard bleu comme l’eau, clair comme le jour.
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le 1 mai 2021
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