Déjà scotché par l'adaptation de Mystic River, tiré d'un des romans de Denis Lehane, j'avais eu vraiment envie de découvrir l'auteur. Et puis comme le temps est hémophile, j'ai découvert d'autres auteurs, eu d'autres envie. Et ponctuellement revenait le nom de cet auteur, avec des adaptations de ses romans toutes plus attirantes les unes que les autres: Shutter island et Gone Baby Gone pour ne pas les citer. Et à chaque fois, que ce soit Ben Affleck ou Clint Eastwood, les réalisateurs ont voulu rester le plus fidèle possible à l'oeuvre originale. Or quand on connait les libertés pouvant être prises par les scénaristes ou les réalisateurs, on s'interroge. L'histoire est-elle donc si bonne ? J'ai donc fait confiance au Père Noël pour attaquer la série des aventures de Kenzie et Gennaro, puisque j'avais tant apprécié Gone Baby Gone. Et il ne m'a pas déçu, le bougre, avec "Un dernier verre avant la Guerre."

J'ai adoré. Ce livre est avant tout une histoire de personnages, torturés par un milieu et par leurs préjugés, qui bien souvent les dépasse. Il prend ses racines dans une intrigue policière, mais cette dernière sert surtout de prétexte pour poser un regard contemporain et franchement cinglant sur la population américaine contemporaine. On découvrira dans ce livre toutes les interrogations légitimes inhérentes à la paupérisation et à la délinquances, en louvoyant avec une intelligence rare sur le fil de la tolérance et de la xénophobie.
J'ai aimé ce regard cynique, mais aussi drôle et arrogant de l'auteur sur les préjugés et les stéréotypes fermement ancrés dans le regard des gens, selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de la ville. Le Blanc ou le Noir, le riche ou le pauvre, et l'ultra riche qui domine.
Mais il n'y a jamais de lieux communs dans cette histoire. Juste une réalité, glauque et tristement d'actualité, qui vous prend aux tripes. J'ai retrouvé dans cette histoire la même intelligence que dans certains reportage de fond, car l'auteur ne se contente pas de brosser des clichés éculés et ridicules. Non. Il vous montre que la justice a des failles, que la xénophobie se complet dans l'inertie d'une société rongée par une délinquance en cols blancs comme dans les idéaux lustrés pour l'occasion dans la démagogie de dealers convertis en prêcheurs. Peu importe la couleur de la peau, le fond reste toujours le même. La violence se justifie par tous les moyens, et l'ignorance de certains attisera la colère des autres.
Et l'histoire finit surtout dans ses rebondissements par faire un joli pied de nez aux convenances, l'auteur jouant avec maestria avec les idées reçues et le drame familial.
Ce regard est vraiment unique, car il m'a fait penser à ce que nous vivons aujourd'hui en France. Sur fond de lute sociale et de crise, mais aussi de scission entre cités et banlieues tranquilles. Donc l'air de rien, j'en ai eu pour mes interrogations. Ce livre vous pousse indubitablement vers une remise en question, si tant est que vous en ayez les clés. Car tout est affaire de point de vue et de sensibilité.

Pour le reste, l'écriture est rythmée et très fluide. L'ambiance est glauque, mais intimiste, car elle s'appuie sur des personnages très travaillés. Attachants et un peu puérils, ils sont par contre toujours dans le ton d'une banlieue difficile et parfaitement crédible. On se voit parcourir les rue de Southie à Boston dans ces vieilles bagnoles américaines aux allures de paquebots. On voit les immeubles de briques rouges, on voit la haine dans les yeux et le canon du flingue sous le nez la seconde d'après. L'histoire est POIGNANTE et très bien menée. Car c'est avant tout un bon polar, avec ce que je préfère dans la lecture d'un bon bouquin: une trame principale qui sait se faire oublier pour vous faire filer un temps dans les intrigues secondaires, fluides et piquantes, pour mieux reprendre ses droits le moment venu, et vous ravir à chaque page. Oui, ce livre m'a fait tourner sa dernière page à regret, mais les prochaines aventure du duo Kenzie / Gennaro me semblent très très prometteuses et je sais maintenant aussi pourquoi deux pointures comme Ben Affleck et Clint Eastwood ont voulu coller le plus possible à l'histoire. Denis Lehane est un auteur rare, à l'humour poivré et à l'oeil acéré. Mais il SAIT surtout raconter une histoire, en bottant les fesses à tous points de vue.
Alors, n'hésitez plus: LISEZ-LE !
amjj88
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le 9 mars 2014

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amjj88

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