Une fois qu'on s'est plongé dans l’œuvre touffue et lumineuse de Colette, que faire pour prolonger l'émerveillement ? Lire ce petit recueil de textes n'est pas une si mauvaise idée. Antoine Compagnon fait une sorte d'inventaire à la fois savant et accessible, le nez dans les textes, dont il livre les passages les plus évocateurs, et dans la biographie de l'écrivaine poyaudine, pour tenter de peindre d'elle un portrait nuancé et vivant. Qui était-elle ? Une campagnarde naïve dévergondée par un mondain sans scrupule ? L'amie des bêtes et la fine connaisseuse des plantes ? Une acrobate que la gymnastique sauvait de la neurasthénie ? Une débaucheuse de jeunes éphèbes ? Une croqueuse bisexuelle intéressée et capricieuse ? Une observatrice sans égale de ses contemporains ? Une cocue revancharde ? Évidemment, tout cela à la fois, et cela la rend parfois insaisissable. C'est toute la difficulté de l'entreprise de ce petit livre, palpitant et qu'on a peine à lâcher : embrasser cette écrivaine remarquable dans toute sa complexité, en illustrant chacun des 40 aspects choisis par des extraits significatifs. Je ressors de cette lecture à la fois emballée et circonspecte, parce que le génie de l'écrivaine est éblouissant et que le caractère de la femme à la fois complexe et intrigant. Une anecdote expose à elle seule l’ambiguïté de Colette : on connaît son attachement pour ses animaux domestiques, notamment ses chats. A la mort de sa préférée, elle l'a balancée dans un fossé parisien sans plus de cérémonie. Et ce comportement paradoxal est loin d'être unique dans sa longue existence.