Premier roman de Lolita Sene, Un été chez Jida raconte l’évolution difficile d’une jeune fille pour trouver sa liberté et son autonomie à partir du silence opposé à sa souffrance.
Dès le début, Lolita Sene raconte la raison de la révolte de sa narratrice. La famille, et sa grand-mère en premier, ferme les yeux sur le crime de Ziri. Lui, c’est le fils cadet de la famille de Jiha, la grand-mère d’Esther, le frère de sa mère, son oncle, donc.
Violence familiale,
Un jour, son oncle l’a convoqué dans une des chambres de la maison et a bafoué plusieurs fois l’innocence de cette petite fille. À partir de là, Esther ose parler et ainsi, s’expose à ne pas être protégée puisque toute la famille choisit de se taire pour que chacun garde le silence.
Esther raconte son enfance face à cette chape de plomb qu’elle subit seule. Pourtant, dans cette famille que l’écrivaine qualifie d’armée, il y a de la vie, des chants et même des danses avec tous les cousins et cousines. Presque quarante personnes sont convoquées lors des fêtes, qui envahissent la maison de Jida. La vie et la joie cachent en fait la souffrance de l’enfant qu’on contraint à se taire. De cette violence, Lolita Sene en raconte tous les retentissements sur la construction de la personnalité de sa narratrice.
Car, petit à petit, Esther détaille le poids de la famille en tant que système préservant un membre, coûte que coûte, même si un autre, d’autant plus une fille, doit en subir les conséquences.
C’est la place du silence, avec en contrepartie, la violence subie par une jeune fille, que Lolita Sene dissèque. Ainsi, les prises de paroles diverses des membres de la famille, dans la seconde partie, éclairent leurs cheminements. Car, Un été chez Jida raconte aussi la relation toxique d’une mère avec sa fille, absente et lointaine, qui n’a pas su la protéger et d’un père, centré sur sa vie personnelle.
Lolita Sene décrit aussi son pays, auréolé de sons et d’odeurs, sa mère Leïla, dépressive, le retour des Harkis avec son déclassement social, sa difficulté à se construire, le camp de Saint-Maurice-l’Ardoise pour nationalistes algériens et tant d’autres choses.
En conclusion,
Il y a sept ans, Lolita Sene fait paraître La face noire de la blanche, roman s’inspirant des articles qu’elle publiait de façon anonyme sur son blog. Un été chez Jida est né une première fois comme le récit d’une adolescente découvrant la sexualité au sein de sa famille Kabyle. Puis, sur la demande de son éditrice, le roman a pris cette teneur plus ample.
Vigneronne, Lolita Sene a profité de la naissance, à la fois de sa cuvée et celle de son premier enfant, pour reprendre ses premières pages romanesques en y incluant des pans de son histoire familiale.
Premier roman réussi, l’écriture qu’elle maîtrise est une manière ici pour Lolita Sene de remonter le fil d’une histoire dont elle dénoue les fils au fur et à mesure de son récit. Passionnant !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/03/18/lolita-sene-un-ete-chez-jida/