Un jour de nuit tombée se situe dans la même univers que Le Prieuré de l'Oranger, quoique cinq siècles auparavant.
Magnifique ouvrage doté d'un jaquette de toute beauté et d'un jaspage bleuté, il ne compte pas moins de 1150 pages, ce qui représente une sacrée somme de rebondissements. Néanmoins, son principal défaut est la longueur de la mise en œuvre de l'action. En effet, il vous faudra vous armer de patience pour surmonter les quelques 350 pages qui installent les protagonistes des quatre directions cardinales. Une fois cette épreuve surmontée, vous pourrez alors savourer les conséquences d'un évènement effroyable qui se produit et tourmente tous les continents du monde connu. L'intensité dramatique va alors aller crescendo jusqu'à un final éblouissant qui se conclut par un long épilogue absolument savoureux. La longue attente verra alors une belle conclusion récompenser tant de patience invoquée.
A l'instar du précédent ouvrage de Samantha Shannon, le monde se voit illustré par plusieurs cartes qui permettent de se retrouver dans ce monde varié. L'Inys, l'Yscalin, le Metendon, le Lasia, les Ersyr, mais aussi la Seiiki et les royaumes orientaux sont autant de territoires que les héroïnes (oui, il s'agit principalement de femmes) vont arpenter durant le Chagrin des Siècles qui va s'abattre sur le monde. Chacun des chapitres s'intitule Est, Ouest, Nord ou Sud selon les héroïnes mises en scène. En effet, la place des femmes est prépondérante au sein de ce monde, qu'elles soient reine d'Inys, Prieure du Lasia, impératrice de Seiiki. Les amours saphiques, davantage que dans l'opus précédent, y abondent mais leur narration est tellement subtile que tout paraît naturel. Le seul bémol que j'exprimerai est la présence d'un personnage "iel", qui surgit sans explication aucune, et dont l'appellation m'est apparue totalement anachronique. Qu'un monde médiéval (quoique fantastique) accueille des amours saphiques, quoi de plus normal, écho d'une réalité passée démontrée à maintes reprises. En revanche, qu'il soit introduit sans subtilité cette notion de "iel", purement contemporaine, m'apparaît incongru et désagréablement opportuniste. Fort heureusement, le personnage est loin d'être central et n'a une utilité qu'accessoire.
La plume de l'autrice, nonobstant une mise en place bien trop longue, se révèle toujours aussi habile et l'émotion surgit régulièrement dans ses pages enchanteresses, jusqu'à ce final éblouissant qui, à l'instar d'une comète traversant le ciel, apporte sa magie sur le monde.