Un orage immobile par Gwen21
Ma souris a oscillé un instant entre une ou deux étoiles avant d'apposer son verdict mais même si cette première rencontre avec l'auteur ne fut hélas pas concluante, il m'était finalement pénible d'être trop sévère avec un style indéniablement marqué du signe du talent.
Le style. C'est bien là le seul bon point que j'accorde à Sagan pour cette romance "en costumes"* qui semble piétiner les plates-bandes de Stendhal. Allons, soyons moins sévère, disons qui flirte outrageusement avec l'univers du "Rouge et le Noir".
Angoulême, 1832, société bourgeoise de province d'un pays gouverné par un roi bourgeois, une société qui s'ennuie et qui semble plus à cheval sur les convenances que les aristocrates chassés 40 ans plus tôt de leurs châteaux par les révolutionnaires.
Nicolas Lomont, notaire de son état, gère les affaires d'une fille d’Émigrés, Flora de Margelasse, jeune veuve dont il s'éprend dès qu'il fait sa connaissance. Trente ans après cette rencontre, cet homme de loi intègre et passé maître dans l'art de brider ses émotions, décide de coucher dans ses mémoires l'aveu de cette passion et les affres d'un amour unilatéral.
Un triangle amoureux assez banal va servir à Françoise Sagan de socle pour dresser, à travers le regard de cet homme, des portraits psychologiques que j'ai personnellement trouvés beaucoup trop intellectualisés et qui ne m'ont pas touchée. En effet, dans ce court roman de 176 pages (édition Le Livre de Poche*), il n'y eut pas que l'orage qui fut immobile mais également mon émotion. Entre ennui et désintérêt, ma lecture a progressé vaille que vaille, voulant avoir tout de même raison d'un contenu aussi mince.
J'ignore pourquoi Sagan a rédigé cet ovni, cette fantaisie qui lui a fait endosser l'habit du romancier historique et qui tranche avec le reste de son oeuvre (pour ce que j'en connais). Nul doute que cet exercice a dû lui apporter une occasion de s'imprégner du romantisme français à sa source, en cette première moitié du XIXème siècle où naît le "Mal du siècle" qui s'exprimera notamment par le désœuvrement, l'ennui et l'exaspération sentimentale de toute une génération de jeunes gens.
Les aléas passionnels et passionnés de Flora de Margelasse sont loin d'être passionnants et m'ont laissée de marbre ; j'ai dû faire un réel effort pour me souvenir à chaque page à quelle époque et dans quel décor se situait l'action, guère aidée en cette démarche par l'auteur qui s'épargne quasiment toute description. Je suis aussi restée hermétique aux différentes expansions émotionnelles de l'ensemble des protagonistes, peu convaincue par leurs émois et agacée par leur affectation.
L'action, pour un si court roman qui aurait pu s'appeler nouvelle, se révèle trop sinusoïdale à mon goût ; parfois, je me suis presque crue au théâtre avec des rebondissements qui n'étaient que des effets de manche... Bref, vous l'aurez compris, pas très emballée.
*J'ai beau travaillé dans l'édition, je suis encore capable de me "faire avoir" par une couverture racoleuse qui n'est ici aucunement le reflet du récit qu'elle est sensée introduire. L'éditeur, par ce choix d'un buste décolleté de femme vêtue en robe "Empire" prouve seulement que, sans aucun respect de ses lecteurs, il a choisi d'exploiter le séduisant filon qu'est l'engouement réel du public pour le monde austenien sauf que... en 1832, en France, on ne porte plus de robe "Empire". Ah, si on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre, on peut encore attraper Gwen avec un bout de dentelle ! (**yeux courroucés et pensées peu amènes**)
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