Quand une amie m'a prêté ce livre, je me suis tout d'abord dit "quel intérêt y a-t-il à parler des relations orageuses entre écrivains?". C'est donc dans cet état d'esprit que j'ai commencé cet essai, un peu circonspecte (car peu habituée aux essais) et peu convaincue de le lire jusqu'au bout.
Sauf que les deux auteurs, anciens élèves de l'École normale supérieure, ont un certain talent pour nous emporter dans les turpitudes d'écrivains qui, par leur nom, nous sont devenus familiers. C'est qu'ils ont fait un formidable travail de recherche pour nous pondre cet essai des plus intéressants !
"Avez-vous bien des ennemis" demande Balzac à Eugène Sue et lui de répondre "Oh ! très bien, parfaits et en quantité". Car avoir des ennemis est une préoccupation de taille pour ces écrivains aux egos surdimensionnés (je ne parle pas De Balzac ou Sue en particulier) car qui dit ennemi dit peut-être jalousie et convoitise.
Depuis l'essor de la presse et le tirage de plus en plus élevé des ouvrages, il y a de quoi regarder chez son voisin et pinailler. Zola innove avec son naturalisme et s'octroie les foudres des Anciens. Pour Hugo, le rouge et le noir est écrit en patois. Quant à Sainte-Beuve, il est traité sans ménagement de "Sainte-Bave" par ce même Hugo". Les grands noms alternent et se succèdent dans toutes ces anecdotes issues d'un autre temps qui mettent en lumière des écrivains qui se savent importants et en jouent pour se tirer la couverture à soir.
Rien de tel que d'égratigner, les rivaux de la scène littéraire pour faire jaser dans les salons et s'attirer de la renommée. Certains comme Edmond de Goncourt accusera Zola de puiser dans son œuvre à chaque nouvelle parution (pour exemple : Germinie Lacerteux serait selon lui à l'origine de L'assommoir) : un plagiat savamment orchestré, en somme, qui aura tôt fait d'énerver l'illustre Zola passant derrière tout ça.
Ce qui est assez drôle dans cet essai c'est qu'on se rend compte que tout est motif à discorde : les amours des uns et des autres, les adultères, les romans trop avant-gardistes, les attitudes en société...
Pour finir, je ne peux que dire que cet ouvrage est excellent. Il fait sourire et donne un nouvel éclairage à ces sommités littéraires qui ont su s'imposer à travers les siècles. C'est de bonne guerre que de chercher querelle auprès de condisciples car ces gens-là de cessent d'innover et de briller de par leurs trouvailles langagières.
Ce livre s'engloutit comme un récit et c'est bien une histoire que les deux auteurs nous content ici. Une histoire construite à partir de solides références mais qui se laisse suivre sans effort aucun.
Merci à l'amie qui m'a prêté ce livre et qui, décidément, me connait peut-être mieux que moi-même ! Maintenant, je compte bien mettre la main sur Une histoire des parents d'écrivains, des deux mêmes essayistes.