Après les années de guerre et avant l’avènement de la Nouvelle vague, les années 50 au cinéma se révèlent une nouvelle fois passionnantes, sous les plumes de Philippe Pallin et Denis Zorgniotti.
Certains peuvent voir la période précédant la Nouvelle vague comme une traversée du désert ou, en tout cas, une accalmie avant la vraie révélation française. Toute cette période se révèle particulièrement marquée par une prospérité économique qui réconforte les Français après les années de guerre. Le début des Trente glorieuses assoupit la production cinématographique française : les prises de risque se font rare, la routine s’installe et peu de réalisateurs marquants émergent.
Cette période de « Qualité française » (terme des Cahiers du cinéma) voit tout de même revenir les grands cinéastes : Max Ophüls, Julien Duvivier, René Clair ou encore Jacques Becker continuent de produire. Si les producteurs semblent se reposer sur les acquis côté réalisation, on retrouve la même tendance côté acteurs et actrices. Les deux auteurs prennent l’exemple de quatre actrices qui ne s’arrêteront jamais de tourner : Danielle Darrieux (28 films entre 1950 et 1959 !), Michèle Morgan, Martine Carol et Simone Signoret.
Pallin et Zorgniotti arrivent à dégager quelques tendances marquantes des années 1950. Si la couleur se développe, et notamment de l’autre côté de l’Atlantique, cette révolution technique peine à s’imposer en France. Sur le plan artistique, la France semble se passionner pour les histoires de criminels avec les films de voyous (Touchez pas au grisbi, Jacques Becker, 1954) et les films judiciaires sous l’impulsion d’un ancien avocat, André Cayatte.
Si la question du Bien et du mal peut se poser dans ces films, les Français ne souhaitent pour autant pas aborder le sujet de l’Occupation encore récente (il faudra attendre Lacombe Lucien de Louis Malle en 1974). Toute la France n’a-t-elle pas résisté ? Marie-Octobre de Julien Duvivier, en 1959, se contente de dépeindre plusieurs catégories sociales de notre pays…toutes liées à la Résistance ! Et Pallin et Zorgniotti de se questionner quant aux nombreuses adaptations filmiques de classiques de la littérature et de l’histoire françaises : « Il n’est pas impossible que ce goût marqué pour les films liés, d’une manière ou d’une autre, à l’histoire soit révélateur d’un besoin des Français de se ressourcer après l’humiliante période de l’Occupation ». A leur décharge, il était très difficile pour les réalisateurs d’aborder ce sujet encore tabou, tant la censure était présente, notamment via la Commission de classification des œuvres cinématographiques.
Les quatre dernières années de la décennie, 1956 – 1959, sont marquées par un renouvellement : des réalisateurs connus proposent un regard nouveau (Jean-Pierre Melville, Robert Bresson et Jacques Tati), la critique cinématographique se développe en imposant un certain style (naissance des Cahiers du cinéma en 1951) et les documentaires sont de plus en plus présents. Pallin et Zorgniotti pointent également l’importance du film de Roger Vadim, Et Dieu…créa la femme, qui, en 1956, donne naissance au mythe Bardot, l’« incarnation d’une sexualité libre ».
En plus du respect de la chronologie et d’un style clair, les deux auteurs se permettent, comme à leur habitude, des coups de projecteur sur certains films, réalisateurs, acteurs, actrices, etc. On lira ainsi, entre autres, un beau portrait de Max Ophüls ou encore un très bel hommage à Bourvil et à toute sa palette de comédien, découpée en Face Sud (côté solaire, léger, drôle) et Face Nord (sombre, méchant, taiseux). Toutes ces années qui se clôtureront par la naissance de la Nouvelle vague avec deux films de Claude Chabrol en 1959, Le Beau Serge et Les Cousins.