Ce n'est pas évident de condensé en 258 pages, plus de 30 ans d'histoire du rap en France. L'exercice est délicat, il se concentre surtout sur les groupes emblématiques comme IAM et NTM, les précurseurs Dee nasty et Lionel D, Sidney et son émission H.I.P. H.O.P., première émission parlant de cette culture et premier présentateur noir à la télévision française. Un ouvrage sociologique sur un mouvement culturel que beaucoup voyait éphémère, qui va devenir un phénomène de société.

Au-delà de son propos, l'ouvrage me permet de revivre les années dorées du rap français, mais surtout de répondre à cette question existentielle que je me pose depuis des décennies : "D’où me vient cet amour pour le hip hop ?". Nous sommes souvent influencés par nos parents et notre entourage, il me revient en mémoire que j'avais en ma possession un des premiers morceaux de rap français "Chacun fait c'qu'il lui plait" de Chagrin d'amour.
Alors là, vous criez à l'hérésie et pourtant, comme l'explique si bien l'auteur, ce morceau va apporter le rap en France, tout comme Clash avec "The Magnificent Seven" en Angleterre, dont les sonorités sont influencés par leur séjour à New York ou ils découvrent le hip hop en se balladant dans les rues de Brooklyn.
Après l'acceptation de ce fait, je continue ma lecture malgré des passages peu passionnants, un style un peu lourd par moments (un peu comme moi, mais sur plusieurs pages, tu vois le genre ?) et une envie de trop intellectualiser son propos, ce qui me déconnecte un peu par moments.
Il aborde plus l'industrie qui tourne autour du rap, que le rap en lui-même. Bien sur, c'est intéressant de découvrir le fonctionnement mais cela me gêne quand il utilise des pseudos pour appuyer ses propos. Les rappeurs, animateurs et autres, voulant garder l'anonymat. Attention, je ne dis pas qu'il invente, juste que c'est dommage que l'on ai pas les vrais noms des protagonistes, cela aurait permis de les identifier et de comprendre leurs parcours, dommage.
Cela permet surtout de voir le côté "business" et "politique" (même si Keny Arkana et Médine sont oubliés). Un rap dont aucune major ne veut mettre un billet dessus, sauf si c'est mélangé à la variété; comme avec du Annie Cordy; avant de prendre son essor et de devenir rentable.
Le côté artistique est de plus en plus mis de côté, il prend l'exemple d'IAM ou les danseurs Freeman et Kephren, se rendent vite compte que s'ils veulent exister, ils doivent oublier leur art et devenir soit rappeur, soit ingénieur du son. La plupart des groupes historiques diversifiant leurs activités, en créant leur propre maison de production pour garder le contrôle de leurs textes et sons, en mettant en avant d'autres groupes comme la Fonky Family, ou dans le textile, ce qui leur permet de continuer d'exister encore de nos jours.
Un rap en bout de course aux débuts du 21ème siècle, sauvé par les quotas de musique française sur nos radios, dont Skyrock va s'en faire un spécialiste "Premier sur le rap", enfin sur l'entertainment surtout en martelant les mêmes morceaux plusieurs fois par jour, le business avant tout. On peut remercier les politiques pour le retour en force du rap, alors qu'ils vont se lancer dans des campagnes de dénigrements de ces groupes, dont le plus célèbre et la vendetta de Nicolas Sarkozy envers La Rumeur, qui durera plusieurs années et dont à chaque fois le groupe sera relaxé, ça fait plaisir.

Mais l'auteur veut absolument dissocier le rap et la banlieue, n'appréciant pas que l'on associe l'un à l'autre, comme si c'était une honte. Un point de vue que je ne partage pas du tout, le rap est un art de rue. Il ne vient pas de quartiers huppés mais populaires. Le rap était le haut-parleur des quartiers défavorisés, racontant la une vie rugueuse, les faits divers snobés par les journaux, les dérapages policières, etc....Une sorte de journaliste en immersion, sauf qu'ils y vivent constamment.
Son propos a changé, on parle plus de matérialisme. Le RNB prenant plus d'ampleur dans le Rap, l'aseptisant, on peut le constater aisément, il suffit de mettre sa radio, même "Génération" est rentré dans le rang, au risque de périr. Il nous le démontre, chiffres à l'appui, le refrain chanté devenant un passage obligé, tout comme les morceaux plus "dance" pour être diffusé en radios et boites de nuit. Il aurait pu prendre l'exemple des Black Eyed Peas et Sexion d'assaut, deux groupes aux parcours similaires, le premier influençant l'autre, venant du rap underground avant de mettre de plus en plus en avant des refrains chantés (BEP rajoutant même une chanteuse RNB, Fergie), pour accéder à une plus large audience et surtout le nouveau cœur de cible, les adolescentes et le portefeuille de leurs parents. Le rap devenant de plus en plus populaire dans les banlieues aisées, le côté "bad boy de pacotille", émoustillant tel des boys band, nos chères têtes pas bien pleines.

Le rap a toujours su se renouveler, même si parfois la forme fait mal aux oreilles. En France, il traverse une traversée du désert qui semble de plus en plus longue. Alors qu'aux states, il nous livre encore des génies de la rime et de la storytelling.
L'histoire du rap est un peu la mienne, Karim Hammou m'a permis de me ramener à ce passé glorieux des 90's, sans oublier Rapline d'Olivier Cachin sur M6, très tard dans la nuit. Alors ou tu veillais, ou tu l'enregistrais sur une VHS et tu faisais tourner à tes potes, en appréciant que les morceaux US soient sous-titrés, que le rap français ne soit pas mis de côté.
Un ouvrage intéressant mais pas essentiel, comme pour celui de Phil Jackson (Coach légendaire NBA pour les non-initiés), je connais la plupart des faits rapportés. Certes, il permet aussi de découvrir de nouveaux aspects, mais c'est pour moi, plus un retour sur un passé, qui me fait dire ceci "c'était mieux avant", bordel je vieillis!
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5
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le 23 juin 2014

Critique lue 198 fois

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Laurent Doe

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