Chagrin d'absence
Que lire après avoir terminé l'ébouriffant 4321 de Paul Auster ? Changer de style, d'univers, de rythme, d'écriture et d'ambition. Avec Une longue impatience de Gaëlle Josse, une auteure discrète...
le 7 févr. 2018
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Au port, chaque pêcheur se souvient qu'elle est la veuve d'Yvon le Floch, son mari gardé au milieu des flots, son corps jamais rendu par la mer. S'habituer à un deuil sans corps, sans autre preuve que l'absence, sans rien pour déposer ses larmes. De veuve le Floch elle est devenue Madame Quémeneur, la femme du pharmacien, les regards, les convenances, pèsent si lourds ici. Les conversations cessent dès qu'elle arrive, les ragots, les rancoeurs, les rumeurs. Aujourd'hui, elle cherche dans sa nouvelle maison un coin à elle, un refuge, mais elle ne le trouve pas.
Depuis la naissance des petits, Étienne, son nouveau mari ne supporte plus son fils Louis, qui lui rappelle qu'elle a été la femme d'un autre homme. Elle s'épuise à cette vaine répartition de l'amour. Étienne a annoncé à Louis son départ pour la pension, le soir Louis n'a pas reparu. Il n'a laissé aucun message, il n'a rien dit au cours des jours précédents, rien qui puisse donner une piste, son absence est sa seule certitude, c'est un vide dans lequel elle sombre.
Il est son fils, sa vie, il s'est embarqué à destination de la Réunion. Depuis, chaque jour, elle l'attend. Elle longe la falaise, sur le chemin des douaniers, elle guette, elle fixe l'horizon pour y déceler le bateau qui la rendra à la vie. Elle lui écrit de longues lettres où elle lui raconte la fête et le festin qu'ils feront à son retour.
Le portrait magnifique d'une femme et d'une mère qui ne cesse de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de son flanc, qui est parti en mer, depuis elle le suit sur un globe terrestre, sa raison de vivre c'est l'attente de son retour. Les dernières pages sont absolument extraordinaires, elles nous transportent littéralement. Gaëlle Josse sait trouver les mots pour nous décrire d'une façon pudique et bouleversante, l'amour d'une mère et la douleur de l'absence. Une plume d'une grâce infinie qui nous touche au plus profond de notre âme.
Créée
le 19 mars 2018
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