C'est peut-être vierge de toute lecture d'un roman de J.K. Rowling qu'il faut aborder celle de Place À Prendre. Il semble en effet que les orphelins du sorcier aux lunettes rondes ont une forte tendance à chercher dans ce nouveau roman des traces de la résurrection du dompteur de balais et en ont une lecture forcément déçue. Malheureusement pour eux, aucune trace de sorcellerie, mauvais oeil et autres sortilèges dans celui-ci.

Place À Prendre est un roman pour les "grands" au coeur parfois bien accroché. Barry Fairbrother, conseiller paroissial, meurt d'une rupture d'anévrisme, très rapidement ses adversaires au conseil vont poser la question de son remplacement, le but étant de placer quelqu'un à eux. Cette campagne et cette élections vont révéler au grand jours les tensions, les inimitiés, les préjugés et même les haines qui semblent présider aux rapports sociaux au sein de la communauté du petit village bourgeois de Pagford.

On pourra gloser sans fin sur l'écriture simple voir simpliste de J.K. Rowling qui ne sera probablement jamais étudiée à l'université pour ses qualités littéraires. On est toutefois contraint de reconnaître la redoutable efficacité de cette simplicité, qui nous entraîne à repousser sans cesse l'extinction des feux le soir, dévoilant chez chacun d'entre nous le syndrome du "encore une page".

C'est de "jouissive" que l'on peut qualifier l'histoire qu'elle nous raconte, montrant les bassesses, l'ignorance crasse de tout un chacun qui entraîne clichés, préjugés et à priori, elle passe au scanner toutes les couches et les catégories sociales, n'oubliant ni n'épargnant personne. C'est là qu'elle est la plus douée et met son livre à l'abris d'une bonne partie des critiques négatives. Elle nous évite en effet l'écueil du manichéisme en s'en prenant à toutes les catégories sociales, professionnelles et ethniques. Il n'y a pas les méchants riches et les gentils pauvres, les blancs racistes et les étrangers victimes de ce racisme. Tous, ils ont leurs faiblesse, leurs mensonges, leurs tabous inavouables, autant de prétextes aux affrontements qui se multiplient au fil des pages jusqu'à une fin d'une authentique cruauté. Le travail que réalise ici J.K. Rowling sur l'être humain en société se rapproche de celui que Stephen King a entamé il y a des années, ausculter les réactions d'un microcosme dans une situation inhabituelle, en admettant bien sûr que les situations sont plus inhabituelles chez King que chez Rowling.

La seule véritable critique négative sur cette oeuvre est que J.K. Rowling a véritablement besoin de travailler son art de la métaphore, les siennes sont tellement improbables et grotesques dans ce qu'elles suggèrent qu'au mieux elles font rire, au pire elles laissent le lecteur interdit. Cela n'enlève cependant rien à ce livre, ni son mordant, ni sa fougue ni même sa cruauté.
Jambalaya
7
Écrit par

Créée

le 8 déc. 2012

Critique lue 1.5K fois

21 j'aime

16 commentaires

Jambalaya

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

21
16

D'autres avis sur Une place à prendre

Une place à prendre
rivax
8

A lire sans préjugés ni grandes espérances

Je n'aime pas Harry Potter, je ne les ai pas tous lus. Je n'attendais pas particulièrement la sortie du "livre de la rentrée" et je suis en général très méfiant à l'égard des livres "tête de gondole...

le 14 oct. 2012

33 j'aime

1

Une place à prendre
Jambalaya
7

Fierce Creatures !

C'est peut-être vierge de toute lecture d'un roman de J.K. Rowling qu'il faut aborder celle de Place À Prendre. Il semble en effet que les orphelins du sorcier aux lunettes rondes ont une forte...

le 8 déc. 2012

21 j'aime

16

Une place à prendre
cR4p0
4

La place est déjà prise...

En cette rentrée littéraire, s'il est bien un roman qui n'est pas passé inaperçu c'est bel et bien "Une place à prendre" de J. K. Rowling (The Casual Vacancy dans sa version originale). L'autrice,...

le 8 oct. 2012

21 j'aime

5

Du même critique

Le Monde de Charlie
Jambalaya
10

Charlie's Angel

Voici une œuvre miraculeuse, d’une justesse dans les sentiments et les émotions adolescentes qui m’a ramené vingt-cinq ans en arrière. A cette époque, se trouver une identité revenait à les essayer...

le 5 janv. 2014

155 j'aime

26

The Truman Show
Jambalaya
9

Quand la vie de Truman capote...

The Truman Show, un film touché par la grâce, de son réalisateur Peter Weir d'abord, qui a rarement été autant au sommet de son talent depuis, de Jim Carrey ensuite, qui a fait taire avec ce film,...

le 10 déc. 2013

155 j'aime

17

True Detective
Jambalaya
9

Les Enfants Du Marais

True Detective est un générique, probablement le plus stupéfiant qu’il m’a été donné d’admirer. Stupéfiant par les images qu’il égraine patiemment, images d’une beauté graphique rare, images sombres...

le 12 mars 2014

153 j'aime

15