La place est déjà prise...
En cette rentrée littéraire, s'il est bien un roman qui n'est pas passé inaperçu c'est bel et bien "Une place à prendre" de J. K. Rowling (The Casual Vacancy dans sa version originale). L'autrice, habituée des bibliothèques jeunesse, tente désormais de se faire une place dans la littérature adulte, et c'est tout à son honneur. Il faut dire que celle qui a donné l'envie de lire à plus de 400 millions d'enfants à travers le monde passe d'un extrême à l'autre. On avait Poudlard, on se retrouve avec Pagford, on avait Harry, Ron et Hermione, maintenant on parle d'Andrew, 'Fats', de Krystal...
Cet ouvrage que l'on peut qualifier de chronique acide, noire, nous dépeint une réalité sociale d'une bourgade anglaise, Pagford, à travers une rivalité entre deux clans politique de la ville. La première chose qui surprend le lecteur est qu'on ne s'attendait pas à autant de noirceur de la part de J. K. Rowling. En effet, elle n'occulte rien des réalités de la société anglaise (drogue, prostitution, pauvreté) et le langage est on-ne-peut plus cru.
Au niveau de la narration, J. K. Rowling n'est pas exceptionnellement à son aise, même si certains subterfuges lui permettent de continuer à dresser de manière acerbe les portraits des notables (l'idée de 'corbeau' est à souligner). Car oui, même si le fond est complètement différent de ces précédentes écritures, la forme quant à elle nous ramène indubitablement à ses premiers écrits, où la description est reine, où le profil des personnages est explicite. Cependant, le cœur de l'intrigue, à savoir la rivalité entre les deux clans politique est prévisible, poussive parfois et les protagonistes bien que détaillés dans leur profil ressemblent trop à des archétypes.
A titre de comparaison, on ne peut s'empêcher de penser à des auteurs comme Elizabeth George, P. D. James ou encore Tom Wolfe, qui, à leur manière, dépeignent une réalité noire (à travers des policiers ou des roman-fleuve) de manière bien plus précise, sans raccourcis trop évident.
C'est d'ailleurs le problème principal de J. K. Rowling, cet attrait pour les portraits des adolescents, qui sont, à mon sens, bien plus profond et complexes que les adultes dans cet ouvrage aussi, comme si sa plume sans cesse attiré par cette enfance, l'empêchait de pleinement se réaliser dans un monde adulte.
Je saluerai la tentative osée de l'autrice de s'essayer à la littérature adulte, cette précision des traits des adolescents, mais je reste sur ma faim à cause de cette manière trop académique de catégoriser les protagonistes, cette fin prévisible et conventionnelle pour ce type de roman. On a vu mieux.