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Quatrième opus de la série Dave Robicheaux, oeuvre qu’il est nécessaire de lire dans l’ordre pour saisir toute l’épaisseur du personnage central, Une saison pour la peur est une nouvelle fois une grande réussite du roman noir louisianais. Un roman puissant, doté d’une solide intrigue et de personnages d’une rare profondeur. On ne se lasse pas de lire James Lee Burke, parce que le bonhomme n’a pas d’égal pour évoquer les grandes spécificités de la Louisiane, cette région tellement unique de l’Amérique, mais aussi parce que sa littérature est réellement authentique et fleure bon le bayou, la musique cajun et le steak d’alligator bien épicé (nan je plaisante, c’est une espèce protégée), sans jamais relever du cliché.

Après avoir frôlé la prison à perpétuité, voire la chaise électrique, dans Black Cherry Blues, Dave Robicheaux a regagné sa petite cité de New Iberia, lavé de tout soupçon et réintégré dans ses fonction de flic municipal. Il mène une vie paisible en compagnie de sa fille adoptive tout en gérant au mieux sa petite affaire de location de matériel de pêche. Jusqu’au jour où on lui confie la mission d’escorter deux condamnés à mort jusqu’à la prison d’Angola (nom attribué au pénitencier d’état de Louisiane). Hélas, la mission tourne mal et les deux prisonniers s’échappent, le premier n’est qu’un gosse à peine sorti de l’adolescence et condamné de manière expéditive à la peine capitale, le second est un criminel d’un autre calibre, un dangereux psychopathe qui crible de balles la poitrine de Dave Robicheaux. Ce dernier s’en tire et après quelques semaines d’hôpital accepte une dangereuse mission d’infiltration dans les milieux mafieux de la Nouvelle Orléans, espérant ainsi mettre la main sur son tueur. Sa cible officielle, Tony Cardo, un parrain de la mafia, un baron de la drogue qui noyaute une bonne partie du système de distribution en Louisiane. Aidé de son pote Clete, ancien coéquipier à la criminelle, Dave Robicheaux va donc tenter de faire tomber Tony Cardo, mais le parrain de la Nouvelle Orléans est en réalité un personnage complexe et torturé, dans lequel Dave retrouve nombre des angoisses qu’il avait enfouies au plus profond de sa personnalité. Comment finalement abattre un homme dont l’humanité évidente bat en brèche le portrait que les services de polices avaient dressé de lui, comment un homme qui se bat chaque jour pour que son fils handicapé s’épanouisse est-il capable d’arroser la ville des drogues les plus dures, celles toucheront fatalement des populations déjà démunies ? Comment envoyer en prison un homme dont finalement on devient malgré soi l’ami ?

Une fois n’est pas coutume, cet épisode de la série Dave Robicheaux bénéficie d’une intrigue beaucoup plus resserrée qu’à accoutumée, l’histoire est véritablement centrée sur l’enquête/infiltration et sur la relation de Dave et de Tony Cardo. Exit donc toutes les digressions personnelles qui font habituellement le charme des romans de James Lee Burke, la fille adoptive d’Alafair est reléguée au second plan, sa vie quotidienne de Cajun (pêche, bière, poisson grillé) également. On y gagne en intensité ce que l’on perd un peu en ambiance, tant ce rythme un peu nonchalant faisait partie intégrante de l’atmosphère louisianesque des romans de Burke. Rien de grave car finalement tout repose sur le couple Robicheaux/Cardo et sur ce personnage étonnant de mafioso, complexe, presque attachant dans sa souffrance et son humanité. Cardo est assurément un personnage contrasté, un anti-héros par excellence, torturé et bourré de contradictions. Finalement on ne s’étonne guère de l’amitié qui finit par naître entre les deux personnages, tant ils semblent se refléter. Mais le malaise finit par s’installer entre le lecteur et ce couple improbable, générant une tension dramatique née de l’immoralité d’une relation qui devrait être au contraire antagoniste ; un flic devrait condamner les agissements d’un baron de la drogue et non tenter de les comprendre. De ces contradictions émerge un roman solidement construit, à la fois violent et étonnamment subtil. Après quatre romans tous différents les uns des autres, James Lee Burke n’arrive toujours pas à nous lasser, donnant au fil du texte toujours plus de substance et d’ampleur à son héros.
EmmanuelLorenzi
8
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le 8 nov. 2012

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