Françoise Vergès réalise une bonne compilation des raisons pour lesquelles certains féminismes (libéral, carcéral, réformateur, etc.) ne prennent pas suffisamment en compte, voire cautionne et invisibilise, la responsabilité des modes de gouvernements dominants dans les violences sexistes et sexuelles. Sans en reprendre le terme, ou très peu, Françoise Vergès prône pour des luttes radicales intersectionnelles afin de prendre en compte les différents types d'oppressions (colonialisme, racisme, sexisme, mépris de classe, etc.). L'approche "civilisatrice" et carcérale de nombreuses solutions dites féministes est déconstruite avec pertinence bien que le récit se perde parfois dans une structure un peu lourde et répétitive.
Cela étant, l'ouvrage semble reprendre de nombreux concepts déjà développés par d'autres (Angela Davis, bell hooks, etc.) avec un apport personnel très limité. L'autrice n'a pas vraiment de nouvelles solutions à proposer et les constats dressés ne sont que trop souvent des redites d'autres travaux. Les passages sur la prostitution et les débats entre différents courants de pensée à ce sujet sont assez significatifs également tant ils évoquent une lutte sans aller très loin dans l'argumentation.
En somme, Une théorie féministe de la violence verse trop souvent dans la récension répétitive et n'apporte pas suffisamment de contenus théoriques utiles, dans le fond comme dans la forme. Ce qui est regrettable car l'autrice mobilise de nombreux sujets intéressants et met le doigt sur les affres d'une approche féministe sécuritaire, mais sans proposer d'alternatives concrètes. Si ce n'est un "droit au repos" et une "culture de l'amour révolutionnaire" qui me paraissent bien insuffisantes face aux structures oppressives dressés face à nous
Enfin, la mobilisation de figures contrastées comme Michel Foucault et Houria Boulteldja, ainsi que l'absence totale de mention des oppressions antisémites, me paraissent être un gros défaut dans un ouvrage qui ne se prive pas de répéter à plusieurs reprises la liste des oppressions envers lesquelles nous devons toustes lutter.
6/10